mercredi 27 août 2008

vaches sept et huit



Comme promis voici les deux dernières vaches de la semaine. La première à apparaître, celle avec les cornes zarbies est une vraie zébu. (zébue ?) Ça mérite d'être signalé parce que les vrais zébus sont devenus rarissimes. Tout le monde aujourd'hui est croisé avec n'importe qui et le métissage a gagné aussi chez les vaches. Celle-ci est donc une aristocrate, fin de race peut-être mais grande dame tout de même et s'il y a des lecteurs de mon blog qui veulent lui donner un nom qu'ils s'y essaient. L'équipe de LdM ( Laiterie de Mayotte ) choisira celui qui lui convient.

mardi 26 août 2008

encore deux vaches



Deux autres vaches ce soir encore. Deux autres demain et après on arrête, sinon, à force faire des vaches je vais devenir chèvre. On m'a déjà signifié qu'une des deux vaches de ce soir est en réalité un jeune taureau. Je n'avais pas fait attention. Il y en a qui voient ça à la tête. Comme quoi il y a des spécialistes partout. Il y en a même dans les étiquettes qu'on accroche à l'oreille des vaches! Foutue époque où on sait tout sur tout.
Donc, demain encore deux vaches et après c'est fini. A moins que le directeur de la laiterie ne trouve le nombre insuffisant. Je ne me souviens plus de la longueur de son couloir. On verra bien. Et je garde la plus aristocratique des vaches pour la fin.
A demain.

dimanche 24 août 2008

à ceux qui ne font jamais aucun commentaire


Cette vache là a une vraie tête de vache. Sale gueule, sale coup d'oeil, sans doute prète à charger. Mais c'est peut-être une bonne mère après tout, va savoir.
Je la dédie à tous les amis et membres de ma famille qui ne font JAMAIS un seul commentaire sur mon blog. Quand ils verront cette tête de vache ils sauront le bien que je pense d'eux. Na!

têtes de vaches




Cette semaine j’ai peint des vaches. Des têtes de vaches. Huit d’entre elles. Sur la suggestion du directeur de la laiterie locale. Pour habiller le couloir menant à son bureau. « Pourquoi pas » ai-je pensé. Je n’avais jamais peint de vaches de ma vie. Les panneaux font 45cm x 45 cm et il y a là de quoi habiller sept mètres de mur, espaces compris. J’ai commencé par les traiter à l’acrylique, pensant que ça irait plus vite, mais décidément l’acrylique est un médium que je n’aime pas. Sa qualité ? Il sèche vite. Son défaut ? Il sèche vite ; Mais surtout j’aime le gras et le soyeux de l’huile et le travail possible dans le frais et le demi-frais. Bref maintenant je sais faire des vaches. C’est toujours ça de pris.
Les vaches m'ont rappelé l'Australie. Je ne connais pas la prairie américaine et ses immenses pâtures, mais je connais les immensités australiennes et j'y ai vu des grands troupeaux. Les cow boys australiens ont la même allure que leurs collègues américains; chapeau à larges bords, chemise ouverte, pantalons de jean,dents jaunes et avariées, et cette odeur si caractéristiques des vachers des grands espaces, faite de sueur de cheval, de chaussettes confites sur des pieds macérés et de périnées frottés huit à dix heures durant sur le cuir de la selle. Les cow-boys se reconnaissent les yeux fermés dans n'importe quel pub.

J'ai vu les vaches australiennes de près un jour que je peignais dans la forêt, pas loin de chez moi, aux confins du Victoria et du New South Wales, un coin paumé, loin de tout de tout et de tout, tranquille peinard, mon plus proche voisin à trente bons kilomètres. J'avais laissé la voiture et les sandwichs sur la piste, à deux pas et pendant que je barbouillais la bucolique scène mon chien vivait sa vie, coursant sans succès lapins et canards sauvages, se vautrant à l'occasion dans quelque dépouille pourrie et je n'avais pas entendu parler de lui depuis une heure ou deux.Il arriva soudain, essoufflé, et plutôt que d'aller vers sa gamelle d'eau il vint s'asseoir entre les trois pieds de mon chevalet et me regarda en balayant le sol de sa queue, les oreilles couchées, la gueule entr'ouverte façon sourire faux cul, comme s'il avait fait une bêtise. Un Border Collie faisant une bêtise en pleine forêt australienne! Il n'y avait surement rien de sérieux.

"Que vous arrive-t-il, Le Chien? Vous avez l'air tout con!" La queue continue à bouger, la langue continue à pendre, et il regarde derrière lui de temps en temps, là où je ne vois ni n'entend rien du tout. ; je vais vers la voiture, il me suit; je reviens à mon chevalet, il me suit aussi. Je haussai les épaules,décidai de ne pas tenir compte de son humeur et me remis à peindre... jusqu'à ce que Le Chien se mette à gémir.
C'est alors que je vis les vaches. Je fus doublement surpris parce que je n'aurais jamais pensé qu'une vingtaine de vaches pussent se déplacer en forêt sans faire de bruit, sans balayer les feuilles, sans casser une branche, sans se meugler des recommandations les unes aux autres. Surpris aussi parce que le plus tranquillement du monde, toujours sans faire de bruit, comme si elles avait toute la journée devant elles, à une dizaine de mètres devant moi, elles s'écartaient et tournaient, qui à droite, qui à gauche, toujours très calmement, comme si elles rentraient à l'étable à l'heure de la traite. Le plus fascinant c'est qu'on voyait qu'elles savaient ce qu'elles faisaient! Sous le chevalet le Chien gémit à nouveau, et recula pour venir heurter mes jambes. Je compris soudainement, et me souvins d'histoires abominables de promeneurs égarés dans un pays à vaches et passant un, deux, ou peut-être trois jours dans un arbre, attendant un hypothétique secours tandis qu'en bas, les bêtes à cornes, paisibles à l'ordinaire, attendaient la première occasion de faire sa fête au chien. Lequel chien ne rêvait que d'une chose, être près de son bon maître, là où qu'on est bien et en sécurité, tandis que le bon maître lui ne rêvait qu'à une chose, que son chien s'en aille loin, très vite, et entraîne le troupeau avec lui. Comme quoi la meilleure des éducations ne permet pas toujours de comprendre les choses les plus élémentaires. Les vaches n'aiment pas les chiens, pas du tout, et je m'en souvins juste à temps pour prendre Le Chien dans mes bras, le porter dans la voiture et l'y enfermer, avant de ramasser une branche qui traînait par là et de faire face à ces dames. Lesquelles ne me regardèrent même pas, reniflèrent leur mépris, firent pesamment demi tour, s'en allèrent du même pas, sans se retourner ni peu ni prou, en faisant du bruit cette fois-ci, hochant vivement la tête et meuglant leur profonde satisfaction.
Peindre ces vaches m'a ramené là-bas. Va comprendre

dimanche 17 août 2008

chronique anjouanaise


« Une tablette et demie il faut ! Pas dix, pas cinq, pas trois ! Pour un gâteau il faut une tablette et demie, et pas un carré de plus ! Monsieur Leboeuf a ramené le chocolat lundi, et depuis lundi on a fait combien de gâteaux ? On a fait combien de gâteaux Mohamed ?? Mohamed je te pose une question ! Combien de gâteaux on a fait depuis lundi ??
Il a l’air bien embêté Mohamed. Il a la tête baissée, il s’essuie les mains sur son tablier, il déplace son corps d’un pied sur l’autre, il surveille le fourneau sur lequel il n’y a encore rien. Il tente un sourire.
- Mais, Madame Leboeuf…
- Tu me réponds s’il te plait Mohamed ; on a fait combien de gâteaux cette semaine ?
- Peut-être deux…
- On a fait DEUX gâteaux. Et DEUX gâteaux ça nous fait combien de tablettes ? Je te parle Mohamed ! Ca fait combien de tablettes ??
- A peu près trois…
- Ca fait TROIS tablettes ! Et lundi dernier Monsieur Leboeuf a ramené combien de tablettes ? Je te pose une question Mohamed, tu commences à m’énerver, combien de tablettes Monsieur Leboeuf a-t-il ramené avec lui ??
Mohamed rentre la tête dans les épaules et écarte les bras. Il ressemble à un pingouin qui voudrait bien faire plaisir, qui comprend ce qu’on attend de lui mais qui ne peut pas, qui ne peut vraiment pas ; et qui en est sincèrement désolé. Il fait des efforts pourtant, et s’il le pouvait, le pingouin se gratterait la tête, mais il peut pas. Il ne se souvient pas. Peut-être que si on lui laissait du temps il parviendrait à se souvenir. D’abord lundi c’était pas hier, et Monsieur Leboeuf avait ramené avec lui beaucoup d’autres choses de Mayotte. Il y avait de la crème, il y avait du fromage, qui était toujours là dans le frigo…
- DIX ! DIX tablettes ! Voilà ce que Monsieur Leboeuf a ramené avec lui lundi dernier. Alors on fait les comptes ; dix tablettes ramenées lundi, moins trois utilisées pour les gâteaux, il nous reste donc sept tablettes, et elles sont où les sept tablettes ? Elles sont où les sept tablettes Mohamed ?!?
Machinalement Mohamed tourne la tête vers l’étagère où les tablettes devraient se trouver. Dix fois déjà il a regardé par là mais ça n’a rien changé, il y a toujours un vide entre les paquets de levure et le bocal de farine. Il se tourne vers Ali qui épluche les pommes de terre dans l’évier, croise son regard, hausse un sourcil, ouvre la bouche, mais Ali ne lui laisse pas placer un mot.
- Moi j’étais au marché quand Monsieur Leboeuf est arrivé, je faisais les courses…
- C’est quand même toi et Mohamed qui les avez rangées ces courses, et aussi ce qu’a ramené Monsieur Leboeuf, la crème, le fromage. Et elles sont où les tablettes qui devraient être là ?

Marie Josèphe n’en peut plus. Le poing droit sur la hanche, l’index gauche raide, accusateur, dirigé alternativement vers l’un ou l’autre de ses cuisiniers, une jambe en avant, le dos cambré et la poitrine à nouveau avantageuse, altière, pourfendeuse, vengeresse, implacable. Le morceau de miroir devant lequel Mohamed se rase le matin lui renvoie son image terrifiante ; elle n’aurait pas dû se regarder, elle a envie d’arrêter mais elle se retient pour garder la pose encore quelques secondes. Elle n’arrivera à rien ; elle le sait, Mohamed le sait, Ali commence à s’en douter et comme il n’y a pas encore beaucoup de fruits ce sont donc des gâteaux à la banane qui remplaceront le gâteau au chocolat dont ses clients raffolent. Tout de même, sept tablettes d’un coup ! Momo avait fait fort cette fois ci et Marie Josèphe allait devoir réajuster ses rapports avec son chef cuisinier. Il y a ce qu’elle le paye. Il y a ce qu’elle lui donne. Et il y a ce qu’il lui vole. Elle le paye pour son travail ; elle lui donne pour ses caresses ; et il la vole pour qu’elle se souvienne qu’il est toujours disponible quand elle a besoin de lui. Rien n’est facile à Anjouan, elle le sait bien. Tout augmente, comme partout ailleurs et Marie-Josèphe augmente aussi. Bientôt soixante ans et bientôt quatre vingt dix kilos. La plupart du temps tout marchait très bien et Mohamed savait se tenir. Beaucoup mieux par exemple que le sculptural et vaniteux joueur de foot qui occupait parfois le lit de la directrice de l’Alliance Franco-Comorienne, et il avait la peau beaucoup plus douce, et il bougeait plus, vraiment beaucoup plus, tout le monde le savait. Mohamed n’avait toujours volé que ce qui lui était dû. Mais là tout de même, sept tablettes d’un coup !
- Excuse moi Madame…
Momo a l’air contrit et quand il fait ses yeux tristes il est presqu’aussi beau que quand il fait voir ses dents. Plus attendrissant assurément.
- On en reparle à la fin du service, et vous avez intérêt à me donner une bonne explication !
Marie-Josèphe inspire un grand coup, réajuste d’une main solide tétons et bourrelets, agite une dernière fois un menaçant index avant de faire un frémissant demi-tour pour avaler les marches qui la mènent à l’étage. Pas plus essoufflée que ça, ce dont elle se félicite. Il n’y avait tout de même pas beaucoup de grosses de soixante ans bientôt qui pouvait gravir ces marches avec autant de gnacque. La colère lui faisait du bien, elle l’avait remarqué mille fois. Les épaules étaient dégagées, la poitrine était ample, les respirations profondes et les jambes retrouvaient une légèreté dont on ne se souvenait plus, qu’on avait cru perdue mais qui n’était que tapie, en réserve, s’éveillant à nouveau à la moindre contrariété. Elle n’aurait quitté Anjouan pour rien au monde.

Il y avait foule ce soir dans la salle à manger, ce qui n’était pas si fréquent. La soirée ne serait pas forcément longue mais il allait falloir courir. Marie-Josèphe prit une profonde inspiration, ouvrit la porte à la volée, souleva l’étagère qui donnait accès au bar, la laissa retomber bruyamment, ce qui eut pour effet d’arrêter la moitié des conversations, et claqua le bar du plat de la main.
- Bon ! Maintenant qui prend quoi ?

mardi 12 août 2008

Le neuvième Phare


Empalé sur son roc au large du Mozambique,
L'alizé le menant d'espoirs en désespoirs,
Sisyphe prophétique ou Léviathan lubrique,
Marcel, sur son rocher, geint et croque ses noirs.


C'est pas du Baudelaire ça?

vendredi 8 août 2008

les Phares (suite)


Tel qu’il est mon dessin de la barge est maintenant « calé ». Je vais attendre que tout sèche pour tout reprendre et traiter mer, sol et personnages en même temps. On reverra donc la barge dans un petit mois.

En attendant voici les phares de Baudelaire N° 5 6 7 et 8.




Colères de boxeur, impudence de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand cœur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats

Watteau, ce carnaval où bien des cœurs illustres,
Comme des papillons errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres,
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
Des fœtus qu’on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d’enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix, lac de sang hanté de mauvais anges,
Ombragé d’un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber.


Il en reste un, inconnu du grand public, le neuvième et dernier phare de Baudelaire, découvert tout récemment, par hasard, au cours d’un voyage, et cette découverte a mis le monde littéraire en émoi. C’est pour bientôt.

mercredi 6 août 2008



Moi qui, il y a peu, disait du « Monde Diplomatique » qu’il m’accablait, je tiens à faire ici amende honorable puisque jamais jusqu’à ce jour aucun numéro ne m’aura autant ravi. Je conseille à tous ceux qui lisent mon blog d’acheter le numéro d’août et d’aller tout de suite en page 22 lire un article qui s’intitule :

Qui fixe la valeur d’une création ?
L’Art (contemporain) de bâtir des fortunes sur du vent

Un régal. Plus que la lettre de Guy Mocquet, c’est cet article là que les profs d’arts plastiques devraient lire en classe, obligatoirement, au moins une fois par mois. Entre autres belles lignes, celles-ci : « Car le marché… contamine, à force de médiatisation, les amateurs d’art et les conduit à développer des réflexes spéculatifs. Ils écoutent plus qu’ils ne regardent… » Tout est dit. Triste époque.

Cet article tombe à pic parce que j’étais dans un creux récemment. Creux classique au demeurant, que connaissent tous les artistes ou même tout simplement tous les travailleurs indépendants, à savoir : « mon travail vaut-il la peine ? est-ce que ça vaut la peine ? vaux-je la peine ? « Que du déjà vu ; n’insistons pas.
Offrons nous un peu d’air ce soir avec les quatrains de Baudelaire qui nous décrit ses phares. Baudelaire était un critique d’art très pointu. Il encensait Vermeer (une preuve de goût et d’intelligence), et méprisait Millet, qui ne mérite pas autant de dédain, mais bon, quand on s’appelle Baudelaire on a droit à quelques extravagances. Huit peintres étaient ses « phares ». Rubens, de la chair, des fesses, des fesses et de la chair ; Léonard, les anges, l’ombre, le charme, et, sous la douceur, une obstinée rigueur ; Rembrandt dont on a dit qu’il fut maître de la lumière alors qu’il ne s’attachait qu’à maîtriser les sombres ; Michel-Ange, dur au mal, dur au travail, casse-couilles et magnifique ; Puget, attachés aux humbles, Coluche sans humour ; Watteau, qui traite le sérieux avec légèreté, un aristocrate ; Goya, gros lourd et qu’on imagine volontiers grossier et pétomane, mais qu’un chien perdu devait faire pleurer ; et Delacroix, trait d’union entre l’occident et l’orient parfumé, languide et sauvage, jusque dans la mort avec Sardanapale.
Baudelaire a oublié Raphaël, annonciation colorée de Mozart, mort dans sa trentaine, comme Van Gogh, Lautrec ou Modigliani, et qui peignait dit-on avec la Fornarina sur les genoux, ce qui valait bien l’opium de Baudelaire. Et il en a oublié un autre aussi, dont je vous ferai la surprise. Mais pour ce soir, place aux quatre premiers.

Rubens, fleuve d’oubli, jardins de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse,
Comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer ;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère apparaissent à l’ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays ;

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d’un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,
Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange, lieu vague où l’on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits,
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leurs suaires en étirant leurs doigts ;

La suite demain.

PS Un amical bonjour à Jorge