lundi 23 février 2009

retour à Mayotte


Retour à Mayotte ; après deux mois en métropole. Deux mois passés à travailler. Boulot boulot, aucun tourisme cette fois-ci ce qui fait que le temps a passé vite et que je ne me suis pas ennuyé. Quelques visites à ma mère et aux ami(e)s incontournables. Noël en famille aussi ; le premier depuis sept ans. Pas si emballé que ça à l’idée de revenir à Mayotte et pas si emballé que ça à l’idée de demeurer en France. Décidément je ne serai vraiment bien nulle part.
Que de Noirs à Mayotte (ce qui semble normal) et que de noir en métropole ! Jamais je n’en n’aurai vu autant. Les femmes s’habillent en noir, les hommes s’habillent en noir, les jeunes s’habillent en noir encore plus farouchement que leurs ainés et tout le monde trouve ça très bien. « Très pratique ! » entend-t-on répondre lorsque l’on s’en étonne. Ca va avec tout. C’est distingué, ça amincit, et tu ne te poses pas de question le matin en te levant. Tu prends, tu mets, tu sors, tu va bosser, tu rentres, tu te changes si tu veux sortir et tu ne te poses toujours pas de question, tu reprends du noir, tu mets, tu sors, etc. Pour réveillonner on reprend du noir bien sur, mais on le prend brillant, avec une chemise blanche et un pull gris pour les garçons et une écharpe mauve pour les filles. Il y en a partout. Une veille de Noël, sur une grand’ place d’Angers, les seules taches de couleur étaient celles des baraques de Noël. Les gens, tous les gens, multitude dense et compacte étaient en noir noir noir et trouvaient ça très bien. Ce qui est en fait le plus étonnant c’est que les éléments discordants, ceux qui osent résister, ceux et celles qui portent autre chose que du noir s’ils ont envie de porter autre chose que du noir sont devenus, au fil des années, absolument rarissimes. Pas une fausse note dans ces harmonies de catafalque. Ca fait bien dix ou douze ans que la mode est au noir ; ce n’est plus de la mode, c’est du formatage !
Dans l’ensemble j’ai trouvé mes compatriotes très formatés ; et pas mécontents de l’être semble-t-il. Je n’ai entendu aucune idée intéressante. Que du commun, du tout venant, du rabâché, du déjà entendu, mille fois, en boucle ; pas de vision, pas de grandeur. « Plomb durci » toute la première partie de mon séjour. Joyeux Noël à Bethléem ou à Gaza. Deux semaines d’atrocités non filmées, racontées, justifiées au nom du droit de légitime attaque . Des commentaires et des forums en veux-tu en voilà, avec les opinions pour, les opinions contre voire les opinions pour et contre. Des historiens érudits, des journalistes avertis, des politologues informés, des philosophes plus très nouveaux mais toujours aussi verbeux et pas un à ma connaissance qui se soit souvenu que l’Occident avait fait le nid d’Israël sur des terres réquisitionnées et que cela, rien que cela, expliquait tout ceci en très grande partie. « Le peuple juif est un peuple sur de lui, arrogant et dominateur. » De Gaulle dixit. Si Mon Général répétait ces paroles aujourd’hui il serait poursuivi jusqu’à l’hallali de justice. La vérité n’a pas changé ; les temps, eux, ont changé, et avec eux, les populations, molles, grégaires et dociles. Il n’y a pas qu’aux Comores que la loi du groupe fasse sentir son joug. Ne vous privez de rien Monseigneur, et privez-nous de tout, vêtez-nous de noir, verbalisez « à la volée », dites-nous quoi dire et quoi ne pas croire, pourvu que l’on mange et pourvu que l’on joue. La France n’éclaire plus l’espace autour d’elle-même ; ses lumières sont toutes tournées sur son ventre, sur son identité nationale, foi de vichyssois, sur ses bibliothèques, ses salles d’exposition et sur les réserves du musée qu’elle est devenue. Alexandrie a aujourd’hui la taille de l’hexagone. Lequel en aura probablement le destin.

Puis survint Obama. Le chevalier noir. Qui, comme son frère le chevalier blanc nettoie tout du sol au plafond, et en plus ça sent bon. Il m’en faut un comme ça chez moi. Et tout le monde le trouve parfait. Les radios, les télés, les journaux, tous s’accordent à dire que l’élection d’Obama représente la fin d’une époque ou le début d’une autre et qu’après cet événement le monde ne pourra être que meilleur. Tout au plus, le plus souvent sur Arte, entend-t-on parfois un politologue revenu de tout ou un cacique du P.S. souligner que si d’aventure Obama se révélait être un bon président il serait un bon président américain et qu’à ce titre l’Europe, entre autres, n’avait rigoureusement rien à espérer du nouvel empereur. Mais non, il faut voir les choses de façon positive, Obama représente l’espoir et pour une fois qu’on peut échafauder des rêves ne venez pas nous les briser. Mais quel est donc cet espoir que représente Obama ? L’espoir que le monde sera meilleur sans Bush aux affaires ? N’importe qui , même Ségolène, même Bigard, même moi auraient été symboles d’espoir après l’abat Bush. L’espoir qu’un noir dirige le pays autrement parce qu’enfin un noir était président ? N’importe quoi. Avec l’accès des femmes au pouvoir on a déjà vu que la fonction transcende le sexe ; elle transcendera encore plus surement la couleur de peau et Obama fera ce qu’il pourra, comme il le pourra, ainsi que le ferait tout homme ou toute femme à sa place. Ce n’est pas en aval que réside l’intérêt de l’élection d’Obama mais en amont.
Car si Obama ne représente aucun espoir particulier, reste la joie manifestée à la nouvelle de son élection. Joie manifestée sur la terre entière, chez les noirs d’Afrique et d’ailleurs, chez les jaunes d’Asie et chez les Européens aussi. Les blancs d’Europe, et ils sont légion, furent heureux que soit élu un président noir. Pour quelle raison ? Ai-je jamais entendu posée la question suivante : « quel est l’intérêt des blancs à ce qu’un noir soit élu président des Etats Unis ? Pour quelle(s) raisons les Français de France, blancs pour la plupart, ont-ils été heureux qu’Obama soit élu ? Les Français sont soulagés ; « enfin un Noir a été élu président d’une nation blanche ! « Ce n’est pas en France que ça arriverait, soit dit en passant, ni n’est-ce demain la veille, mais les noirs hier bafoués, conspués, mis à l’écart, victimes d’injustices à répétition, ont aujourd’hui un des leurs à la tête du plus grand pays du monde. Réjouissons-nous. Et espérons.
Je vois peut-être le mal partout mais je me demande si cet espoir dont les européens nous ont parlé en boucle ne se résume pas à l’illusion qu’avec l’élection d’un noir à un poste suprême les injustices passées sont « réparées » et le problème est donc réglé. Je me demande si notre inconscient collectif de blancs super-puissants n’abrite pas deux composantes très difficiles à exprimer parce que porteuses de grands dangers, à savoir une culpabilité à l’égard de nos conquêtes passées et une terreur qu’on nous ne nous en demande des comptes. Si tel était le cas notre enthousiasme collectif à l’égard d’Obama indiquerait notre espoir d’être absous, à peu de frais, pour nos exactions passées, et même encore un peu présentes. Les désillusions qui s’annoncent seraient alors immenses et annonceraient, non pas un choc des civilisations mais plus probablement un choc des races. Les Chinois par exemple, qui ne nous ont jamais pardonné le sac du Palais d’été, ont-ils été heureux de la victoire d’Obama parce qu’il était noir ou parce qu’il n’était pas blanc ?