mercredi 13 octobre 2010

Bonheur...


La compagnie de mes deux amies était fort agréable et le déjeuner excellent. Il faisait beau et même chaud pour cette mi octobre et la table avait été placée sur la terrasse surplombant la plaine du Thouet où paissaient des chevaux. Pas de bruit à part les oiseaux. On a commencé par des moules ramassées la veille à Pornic, un après midi de grande marée, cuites avec un peu de vin blanc et quelques herbes, sans crème, suivies par la fameuse andouillette de Thouars, réputée beaucoup moins grasse que ses concurrentes, accompagnée par des mogettes locales et des champignons, locaux eux aussi et eux aussi récoltés la veille. La salade, du jardin, était à l'huile de noix, meilleure que l'huile d'olive et saturée d'anti-oxidants, tout comme le Saint Estèphe de 96, le meilleur contre le cholestérol selon la maîtresse de maison. Personne ne l'a contredite. "L'ail aussi est bon contre le cholestérol;" nous approuvâmes derechef et comme il s'en trouvait dans les bolets et la salade nous prîmes et reprîmes soin de notre santé. Le sorbet avait été fait à la main "avec des framboises de cet été" la rhubarbe et les prunes venaient du jardin comme il se doit. "Il n'y a que le rhum qui ne soit pas d'ici mais si on est raisonnable ça ne peut pas faire de mal". Nous fûmes donc raisonnables, comme il sied à des sexagénaires polis par l'expérience et mûris par la vie. Au café, très convenable, nous étions tombés d accord sur l'arrogance de nos gouvernants, l'ineptie de l'Europe et la futilité du siècle. La conversation avait sautillé sur des sujets frivoles et aimables comme le régime de Karl Lagerfeld, l'éditorial de Mayotte hebdo ou le plaisir à regarder les chevaux en contrebas qui broutaient tranquillement, un peu comme nous sur la terrasse, allant et venant et s'offrant parfois la jouissance d'une course dans les herbes un peu hautes; nous avions parlé d'Art, de Monet, ah! Monet!... de Van Gogh, ah! Van Gogh!... de Marcel bien sur, aaaAAAhhh! Marcel!...

De retour dans mon atelier je mets la dernière main au dernier personnage et j'attaque les arbres. Bonheur... Finie provisoirement la rigueur qu'exige la manipulation des corps et des visages; mise en sommeil l'angoisse du résultat final; le travail cède un temps la place au plaisir, le temps d'un arbre ou deux, qui n'ont pas besoin de ressembler à des arbres connus, qu'on n'a pas besoin de nommer, auxquels je mets les feuilles et les branches que je veux là où je le veux, qui doivent juste remplir l'espace supérieur du tableau le plus en harmonie, le plus en douceur, le plus en compassion possible. On leur demande - JE leur demande - juste d'être beaux. Que m'importent les grèves auxquelles je ne prends pas part; que m'importe cette retraite qui ne m'a jamais attiré et qui ne me concerne pas; que m'importent ces jeunes de moins de vingt ans qui saisissent la retraite comme porte voix pour se faire entendre. Se mobiliser pour la retraite alors qu'on a seize ans! Prétexte dérisoire. Injustice, surconsommation, exploitation, pourquoi ne pas appeler les révoltes par leur nom? Sans doute parce que la peur commence à être plus forte que la colère. Le pouvoir et le peuple voient le monde de la même manière, tous ont la même vision de l'avenir, chacun s'attend à une condamnation de ce qui a fait la force de l'Occident et nul ne se risquera plus avant longtemps à espérer ou croire en une rédemption. Il n'y a plus ni gauche ni droite parce qu'il n'y a plus de différence d'opinion. Il n'existe plus qu'une différence de moyens. Les moyens de ceux qui possèdent et les moyens de ceux qui ne possèdent pas. Ceux qui possèdent espèrent garder et ceux qui ne possèdent pas n'ont plus l'espoir de posséder. "Garder" est le mot qui monte. Les fronts nationaux ont de beaux jours devant eux.

Et pendant ce temps là Marcel fait des vers! Ou ce qui en tient lieu. Il cherche à faire joli quand le monde s'enlaidit, harmonieux quand le siècle croasse, durable quand l'écroulement guette. Exquise futilité. Aujourd'hui que j'ai fini le gros œuvre de mes personnages et que je joue avec les frondaisons je sais que ce tableau est bientôt fini. Dimanche je travaillerai le sol et peut-être la mer; puis, une ou deux semaines plus tard je chercherai mes ombres c'est à dire ma lumière avant de revoir l'ensemble des détails et faire le tri entre ce qui compte et ce qui ne compte pas. Après ce tableau il ne m'en restera plus que dix neuf autres, cinq par île, pour construire mon portrait des Comores. Dix neuf autres du même format (2,50 m x 1,25 m) et sans doute de la même facture. Avant de m'endormir en paix.Aujourd'hui, pour la première fois, j'ai su que le processus était lancé; je ne peux plus me tromper; lorsque j'aurai des doutes ou des ignorances je n'aurai pas besoin de chercher un autre passage; il me suffira simplement de ralentir. Tout le reste est désormais au service de cette tâche. Je ne sais absolument pas si mon travail durera; je VEUX qu'il dure, là est mon seul engagement. Ma seule retraite.

Bonheur...

dimanche 10 octobre 2010

De la critique


Je le répète les seules critiques que j'accepte sont celles venant d'amis, de clients ou de professionnels. Ceci dit je ne les accepte jamais avec grand plaisir et je me ferais crucifier plutôt que de reconnaître leur pertinence au moment où on me les fait. Je donne alors au critiqueur l'impression qu'il est nul, ou ignorant, ou qu'il s'occupe de ce qui ne le regarde pas. Mais sitôt disparu le fâcheux je scrute mon travail et, sans rien dire à personne je corrige s'il y a besoin de corriger.
C'est ce qui s'est passé avec le premier dessin; on a trouvé que l'enfant n'était peut-être pas bien proportionné par rapport aux adultes voisins. La remarque était juste et la deuxième mouture en tient compte.
Quant aux critiques professionnels je ne puis résister, puisqu'on en parle, à citer cette définition tout droit venue d'Angleterre: "un critique est semblable à ces scarabées qui pondent leurs œufs dans le caca des autres." Et toc!

samedi 2 octobre 2010

portrait de Mayotte







Je sais ça a un petit goût de réchauffé pour ceux qui connaissent mon travail mais je poursuis mon idée de faire un portait des Comores en vingt grands tableaux (2,50 m x 1,25 m), probablement tout en noir et blanc, une sorte de leg ou de testament peu importe, ma contribution personnelle à la lecture des Comores. Et on commence par Mayotte. J'ai plaisir à reprendre ce que j'ai déjà fait en couleur; je trouve mon travail plus juste et plus soigné. Plus lent aussi. Je n'ai pas du tout envie d'utiliser la couleur pour mes personnages; c'est marrant, quelque chose me dit que mes tableaux en couleur sont encore un travail de jeunesse et que mon portrait des Comores sera un travail de vieux! On verra bien.