Moustoifa
Racines
Pas un mahorais, ni bien sur une mahoraise. Une poignée d'anjouanais avec leurs épouses métro et quelques comoriens faciles à trouver parmi les cadres de Sandragon.J'aurai passé seize ans à Mayotte, enseigné quatre ans à deux douzaines de classes, j'aurai aidé à s'entraîner cinq équipes de foot, dont une hissée à la division supérieure à la fin de la saison, j'aurai peint plus de 800 tableaux en seize ans et je n'ai vu hier soir pas un ancien ami, pas un ancien élève, pas un ancien footballeur. Beaucoup m'avaient promis; croix de bois croix de fer, sur la tête de ma mère, aucun n'a tenu. Nous sommes à Mayotte. Indubitablement.
Très peu de questions; pas une demande d'interview. L'intérêt des médias diminue d'année en année. Pas un journaliste de RFO non plus, ni de radio ni de télé. Soixante tableaux correctement exécutés, ce qui partout est rare, sérieusement et individuellement encadrés, ce qui est encore plus rare, présentés dans un endroit vaste, lumineux et passant, rarissime dans toute la région et pas si fréquent ailleurs et croyez-vous que les ronds de cuir incapables de RFO se soient fendus d'un seul coup de fil? D'une seule question? D'une seule visite? RFO est composée de fonctionnaires incultes vantards et inamovibles. Quelle intelligence, quelle idée nouvelle peut-on trouver dans un panier pareil.
Pas un membre de l'intelligentsia locale, ni du côté de la préfecture ni du côté de la collectivité. Et ne s'est pas fait connaître un seul professeur d'arts plastiques. Décidément les élites ne m'aiment pas. Ont-elles plus de goût que moi? C'est pas gagné. -La seule bonne chose de la soirée c'est que, tétanisés sans doute par la munificence de la prestation ils sont restés sans voix et, pour la première fois peut-être aucun de ces discoureurs inutiles n'est venu me faire des critiques ou me donner des conseils (pour mon bien)
Deux solutions ce soir 1-- je suis nul et ça doit se voir puisqu'aucun membre de l'intelligentsia cultivée ne me courtise.
2 --Les nuls ce sont les autres, tous ceux et celles cités plus haut
Ce sont les niais bien sur qui ont tort mais même cette éblouissante vérité ne suffit pas à me rasséréner. Je suis fatigué, vraiment fatigué.
J'envisage aujourd'hui très sérieusement de quitter Mayotte, une île où je n'aurai jamais connu d'attaches, où je n'aurais entendu que des exigences, connu que des déceptions, des fanfaronnades, des trahisons. Une île peuplée à 98% d'enfants gâtés et envieux qui passent du temps à nous dire qu'ils ont souffert alors qu'ils n'ont jamais vraiment souffert puisqu'ils n'ont jamais eu moins d'une année sur l'autre. Souffrir ce n'est pas ne pas avoir (réflexe d'enfant capricieux); souffrir c'est avoir eu et ne plus avoir. Il suffit de demander aux voisins. La maturité des peuples passe peut-être par là.
Je suis fatigué de lutter seul alors que me quitte progressivement tout espoir de pouvoir transmettre ce que je sais au premier volontaire venu. Ce que je suis ne séduit plus; ce que je fais ne séduit pas. Il est temps de songer à partir. J'ai envie de dormir longtemps, longtemps; le plus longtemps possible
ruelle de Mutsamudu
la femme en jaune
lundi 22 juin 2009
samedi 6 juin 2009
Invitation à un vernissage et un concert
Ceci est, pour les lecteurs et lectrices de mon blog, une invitation à un vernissage.
Il aura lieu le dimanche 21 juin, à 19 heures, dans la galerie marchande de Jumbo Score, ouverte pour l'occasion.
La photo ci-dessus représente le chanteur Langa (avec la guitare) et son comparse et disciple Bokelo; Langa est aveugle depuis toujours.
Le tableau fait 2 m x 1,50m. C'est le dernier grand format d'une série qui en comporte cinq et qui constitue mon "portrait de Mayotte".
Ce tableau ne sera pas à vendre au moment de l'expo. Entre Langa, Bokelo et moi il a été convenu que le prix de la vente du tableau sera partagé en trois parts égales, une pour Langa, une pour Bokelo et une pour moi. Il a également été convenu que c'est moi qui déciderai de l'occasion où ce tableau sera vendu. Un jour, s'il plait au Ciel, il trouvera acquéreur fortuné, aux enchères probablement, et si nous ne sommes plus de ce monde nos enfants se le partageront.
Pourquoi Langa?
A cause d'un cri pour commencer; dans l'une de ses chansons; un cri long et fort qui m'a fait frissonner un soir, lors d'un de ses concerts. Un cri comme en poussent de temps à autres la plupart des chanteurs africains, tel Salif Keita par exemple, un cri avec lequel le chanteur se donne, s'expose et rassemble. C'était il y a plus de dix ans et c'était la première fois que j'entendais Langa. J'ai eu ce soir là la certitude d'un homme authentique, généreux et puissant.
Puis je l'ai vu. Je l'ai vu chantant, je l'ai vu aveugle.
A quoi occupe-t-on un enfant aveugle, à la campagne? Personne ne sait quoi faire et tout le monde est bien embêté. Par contre un enfant aveugle qui aime chanter et faire ses chansons on le laisse chanter. Et c'est sans doute à sa cécité que Langa doit d'être ce qu'il est, un homme entièrement libre de lui-même et de sa création.
Au pied de Langa se trouve une de ces briques de vin bon marché qu'on achète pour pas cher dans les boutiques qui ferment tard le soir. Langa ne se déplace ni ne chante sans sa brique de vin. Lorsque j'ai eu envie de faire un portrait de Langa j'ai aussi eu envie de dessiner la brique de gros vin rouge. Il ne viendrait à l'idée de personne de représenter Marley sans son pétard et ce qui est bon pour Marley est bon pour Langa. Je lui ai bien sur demandé ce qu'il en pensait, lui précisant que je me plierais volontiers à son choix. Il m'a répondu que c'était moi l'artiste et que c'était donc moi qui choisissait. C'était parole d'homme libre et la brique de gros vin sera donc sur le tableau.
La photo ci-dessous est celle de mon tout dernier auto portrait. Le dernier date de quatre ans maintenant et lorsque mes visiteurs le voient dans l'atelier ils me regardent et comparent, automatiquement, et les plus mesquins d'entre eux me disent que "je me suis arrangé". Il était donc temps de faire une mise au point.
J'espère vous voir le dimanche 21, à 19 heures donc.
A bientôt
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vernissage Marcel Langa exposition Mayotte
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