mardi 25 octobre 2011

pour le meilleur et pour le pire




La France fait mal en ce moment. La France réprime, la France impose, la France doute. Le vieux géant s’éteint par sa périphérie.
Le négoce est de plus en plus dur, la force devient argument, les solidarités s’effritent, le doute, la peur peut-être, anesthésient une France qui s’attend à un probable choc. La crise, on en a beaucoup parlé en métropole, on va maintenant aussi la vivre. Comme sans doute tous les pays européens. Faut-il faire un pas de plus ou faut-il s’arrêter ? Faut-il un peu plus de ces règles qui nous ont amenés à cette crise systémique ou en faut-il un peu moins ? Nous faut-il plus de mondialisation ou moins de mondialisation ?

Mayotte est mal en ce moment. Mayotte crie, Mayotte brûle, Mayotte crache. Le vieux volcan se réveille par sa surface.
Mayotte quitte le temps des espérances pour entrer dans celui du négoce. Négocier, pied à pied, négocier négocier négocier. Premier moyen de résister et de survivre. Et ainsi faire voir et entendre ce qui distingue les français de Mayotte des Français de métropole et demander qu’on ajuste à Mayotte un statut particulier parce que Mayotte est particulière. Faut-il faire un pas de plus ou faut-il s’arrêter ? Faut-il un peu plus de ces règles qui ont amené Mayotte jusqu’à la révolte des mabawas ou en faut-il moins ? Faut-il plus de département ou moins de département ?

Mondialisation, départementalisation, même combat. La départementalisation c’est la mondialisation du pauvre. Ce que l’on voit chez l’un on le verra chez l’autre et Mayotte est utile à la France parce que s’il y a un grand soir à Mayotte ce sera la veille d’autres grands soirs en métropole et en Europe. Comme un dernier avertissement.

Mayotte est une ultime expérience dans l’histoire de la France puisque la France a, avec elle, l’occasion de clore son histoire coloniale. Si Mayotte demande : « est-ce qu’on peut discuter ? » la réponse de la République devra toujours être « oui on peut. » Parce que Mayotte est seule et unique de son espèce, oui, parce que c’est la petite dernière, bien sur, parce que plus grande est la puissance et plus grands sont les devoirs, sans aucun doute, mais aussi parce qu’après Mayotte il ne nous sera plus jamais plus donné l’occasion d’accorder nos paroles (liberté, égalité, siècles des lumières…) avec nos actes. Bientôt, très bientôt, après l’effondrement, c'est-à-dire demain, nous ne saurons plus que faire avec le malaise de notre population métropolitaine et nous disposerons alors de fort peu de temps et de ressources à consacrer aux populations éloignées ou marginales. Si la France rate Mayotte il n’y aura plus de rédemption possible.
Pour nous métros le vrai courage ne consiste pas à imposer mais à aménager.

Mayotte n’est pas la Guyane, ni la Réunion, ni la Creuse et les règles qui s’appliquent en Creuse ne se justifient pas nécessairement à Mayotte. Département si on veut mais pas département comme les autres. Pour sa survie Mayotte ne doit pas revendiquer ce qui unit mais ce qui distingue. Parce que Mayotte est le dernier « confetti d’Empire », parce qu’elle est loin, parce qu’elle est toute petite et qu’à ce seul titre elle a le droit de demander d’être traitée de manière différente. Parce que tout le monde à Mayotte commence à se rendre compte que suivre l’Occident partout où il va n’est plus aussi rassurant qu’avant, parce que mettre tous se œufs dans le même panier du seul Mzungu n’est pas une preuve de sagesse et que nous avons le droit, ici à Mayotte et petits comme nous sommes, d’essayer de doubler nos chances. Et pour ce faire regarder aussi ailleurs que vers l’Europe. Il n’est pas question de changer de partenaire, nous demandons seulement le droit d’en courtiser d’autres.
Les règles qui régissent Mayotte lorsqu’elle commerce avec l’Europe ne doivent pas être les règles qui régissent Mayotte lorsqu’elle commerce avec l’océan indien. Les règles qui s’appliquent à l’Europe ne doivent jamais empêcher Mayotte de vivre dans sa région avec , aussi, les règles de sa région.
Pour nous Mahorais le vrai courage ne consiste pas à hurler mais à convaincre.

Je viens d’écrire pour « nous » Mahorais. Pour qui me prends-je ?
Tout comme il existe des Français gros et des Français maigres il existe des Français de métropole et des Français d’Outre-mer. Mayotte est à l’évidence composée de Français d’Outre mer. Il doit donc exister des Mahorais de France et des Mahorais de Mayotte. Je déclare me sentir un Mahorais de France et cette année plus qu’aucune des dix-huit autres que j’ai vécues à Mayotte. Plus il y a de bordel et plus j’ai envie de vivre à Mayotte, c’est ma révélation des derniers évènements. Mayotte donc, pour le meilleur et pour le pire.
Le meilleur aujourd’hui c’est la température, les contacts, les dents blanches partout, l’observation d’un gros village. Le pire est à venir. Kem Gwavenzé*. J’ai envie de contribuer à ce que l’avenir soit moins pire. Qu’il n’y ait pas trop de morts par exemple, voire qu’il n’y en ait pas du tout et je pense que c’est faisable. Toute ma pensée, tout mon travail, tout mon fonctionnement relationnel s’articule principalement autour de l’absolue conviction que la France, un jour ou l’autre ne restera pas à Mayotte et qu’il faut donc que Mayotte s’y prépare. Plus Mayotte se plie et se contorsionne pour rentrer dans le moule que la départementalisation lui tend moins elle se donne à elle-même les moyens de vivre et d’être digne dans les décennies à venir et je pense qu’une très bonne façon de commencer à préparer son avenir c’est encore de dire non à ce qui est imposé de l’extérieur et qui ne nous rapporte rien. Ou qu’avant d’accepter une mesure contraignante on nous laisse regarder autour de nous s’il ne s’y trouve une solution plus avantageuse. On se donnera ainsi les moyens d’échanger non seulement avec les métros mais aussi avec les gens qui nous entourent. Bref on aura un deuxième fer au feu.
L’arrêt de la départementalisation ou/et la renégotiation systématique de tout ce qui reste à mettre en place est, à mon sens le moyen privilégié de démarrer une politique d’émancipation et tant pis si on nous dit que les règles du jeu ne peuvent pas être changées en cours de partie, nous argumenterons et nous argumenterons jusqu’à ce que des modifications soient faites.
Je ne désire pas être le leader ni même l’organisateur d’un mouvement anti départementalisation ; mais j’aimerais qu'il y en ait un et j'aimerais en faire partie.

Bonne soirée à tous.

* « Kem Gwavenzé » veut dire « Inch’Allah » ou « s’il plait à Dieu »

lundi 10 octobre 2011

Mayotte et sa Presse



Curieux tout de même ce rejet de la Presse. Soit on craint qu'elle ne donne une mauvaise image des manifestant(e)s et de leurs revendications, soit on craint qu'elle ne fasse écran entre les manifestants et le pouvoir. Dans les deux cas c'est une gêneuse.

Qu'en était-il en Guadeloupe?

Quelqu'un peut-il me renseigner sur ce point?

Mayotte et sa Presse



Curieux tout de même ce rejet de la Presse. Soit on craint qu'elle ne donne une mauvaise image des manifestant(e)s et de leurs revendications, soit on craint qu'elle ne fasse écran entre les manifestants et le pouvoir. Dans les deux cas c'est une gêneuse.

Qu'en était-il en Guadeloupe?

Quelqu'un peut-il me renseigner sur ce point?

lundi 3 octobre 2011

Revendications


Revendications


Les ailes de poulet sont trop chères et la portion de Brie aussi. Pour les ailes de poulet je veux bien mais la revendication sur le Brie me laisse songeur. Quatre vingt dix pour cent des Mahorais pourraient passer leur vie entière sans manger un morceau de Brie et ne s’en porteraient pas plus mal. Ni ne s’en plaindraient. Mais, et bien plus que les ailes de poulet, le Brie est un symbole de francitude. Plus français que le Brie on a le Camembert et plus français que le Camembert tu meurs. Si on ne mange pas de Brie au moins une fois par semaine c’est qu’on n’est pas français ou que l’on est très pauvre ; deux stigmates dont les Maorais ne veulent pas entendre parler. Bien sur pour être totalement français il leur faudra aussi se plaindre un jour du prix du vin de table mais nous n’en sommes pas encore là. C’est donc non seulement de vie chère dont on parle mais bien de citoyenneté. « Français à part entière » veut nécessairement dire avoir accès à tout ce dont disposent les vrais Français à part entière, ceux de la métropole. Dans le cas contraire on a affaire à de la discrimination. Les Mahorais ne sont pas au bout de leur peine parce que s’il n’y avait que le Brie ! Il n’y a pas non plus encore de taxes foncières ni d’impôts locaux ! C’est pas de la discrimination ça ?

Pendant ce temps là en métropole et sans que quiconque puisse en prévoir la fin, les protections sociales tombent une à une, les salaires baissent inexorablement, l’outil de travail devient de plus en plus désuet, quand il ne fiche pas le camp vers des pays moins regardant en même temps qu’énergie et matières premières se raréfient et deviennent très chères. Nos enseignants se mettent alors en grève, public et privé réunis ce qui est une petite nouveauté ; grève qui ne modère en aucune manière les plans d’austérité prévus ou déjà mis en œuvre. Il y eut grève, puis Châtel sortit de chez le coiffeur, brossa une poussière sur son veston et confirma la suppression à venir de 14 000 autres postes, puis la grève cessa, puis tout le monde reprit le travail et un courageux décret fut pris dans les mêmes moments pour limiter la consommation de frites et de ketchup dans les cantines scolaires. Les Français de métropole râlèrent un peu, se plaignirent beaucoup, doutèrent de tout, profitèrent d’un inhabituellement beau et chaud mois de septembre, et s’apprêtèrent à choisir leur président, juste avant les prochaines vacances d’été, entre un libéral de droite et un(e) libéra(le) de gauche. Pas très pugnaces les métros. Rien à voir avec Mayotte.

C’est qu’en métropole on craint de perdre ce qu’on a tandis qu’à Mayotte on craint de ne pas avoir ce qu’on doit. Les deux populations ne sont pas près de s’entendre. Inévitablement il se trouvera un jour un haut fonctionnaire de passage qui suggérera aux Mahorais de faire preuve de civisme et d’accepter de faire des sacrifices pour participer à l’effort commun de redressement national blablabla etc. J’imagine mal les Mahorais convaincus par ce genre d’argument. J’imagine mal les Mahorais acceptant de payer les dettes contractées par nos banquiers et nos financiers ainsi que les métros l’acceptent en France. Entre la finance puissante et ruineuse et le peuple victime et impuissant nos dirigeants de droite et de gauche ont indiscutablement choisi de faire payer le peuple. Entre Mr Sarkozy et Mme Aubry, tout comme par le passé entre Mr Chirac et Mr Delors il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille d’impôt. Nous avons une dette nous devons payer, voila grosso modo l’état d’esprit résigné des métros. Le principe de responsabilité est assurément très noble et joue à plein mais la sacralisation de l’argent est telle que le puissant qui possède la richesse mérite, naturellement, qu’on lui obéisse, même s’il vient de vous ruiner ou s’il s’apprête à le faire. De Gaulle avait raison ; les Français sont des veaux.
Les Mahorais sont français ; les Français sont des veaux ; donc les Mahorais sont des veaux.
C’est vrai ça ?