mercredi 2 juillet 2008
commentaire des commentaires
En pièces jointes, quelques études pour la Cène féminine
Une image de femme faisant la lessive est une image "dégradante".
Les hommes au Vulé, les femmes à la lessive; déjà mon cas est grave.
La lessive présentée comme un aimable passe-temps, voire un loisir; mon cas s'aggrave encore. Fichtre!
Je suis donc macho.
Rubens n'était pas macho, lui dont les femmes, aussi replètes que nos Mahoraises, n'ont jamais tenu autre chose qu'un peigne en tortue ou l'écume des vagues. Ni Fragonard, ni Poussin, et encore moins Boucher. Leurs femmes sont souvent ensemble à la rivière, et moins habillées qu'à Mayotte, mais elles ne s'y lavent que les pieds tandis que les jeunes et beaux chasseurs du second plan veillent sur leur pudeur en attendant que vienne leur tour de tenir la serviette.
Degas était un vrai macho. Des repasseuses! Et des bateaux lavoirs! Et Millet donc, qui représentait ses femmes courbées vers une glèbe ingrate, quelques maigres tiges de blé avidement serrées dans des mains flétries, par les lessives justement. Et Marcel également, mais dans cinquante ans qui se souciera de savoir si Marcel était ou non le macho que l'on dit?
Qu'un homme défriche une forêt en s'essuyant le front, ou qu'il rabote un parquet avec d'autres raboteurs voilà chose normale, non dégradante et donc "représentable". Qu'une femme transpire en repassant ou qu'elle lave son linge à la rivière, voilà qui est dégradant et peu représentable. Bizarre.
Observations.
Je suis à Mayotte depuis quinze ans, et j'ai maintes fois vu et entendu des femmes lavant leur linge à la rivière. Plusieurs fois en outre j'ai fait des études de rivière, au moment où des femmes s'y trouvaient.
Je les ai toujours entendues rire plus que pleurer.
Je les ai toujours vues plus joyeuses que tristes, plus exubérantes qu'abattues.
Je connais des femmes qui ont une machine à laver mais qui vont laver leur linge à la rivière. J'y emmène ma voisine quelques fois, et c'est moi qui me sert de sa machine à laver.
J'ai vu des femmes arriver à la rivière au volant de leur Laguna ou de leur Mondeo, en sortir les paniers, et remettre leur linge une fois sec dans le coffre avant de rentrer à la maison. Les lavandières n'ont pas toutes une Laguna; certaines ont des Clio pourries ou des 205 hors d'âge, mais celles qui possèdent une Laguna ont les moyens de s'offrir plusieurs machines à laver.
Faut-il le rappeler, faire la lessive à la rivière à Mayotte n'est pas la même chose que faire la lessive en Creuse. Surtout en décembre.
Faire la lessive à plusieurs, dont on a bien souvent choisi la compagnie, n'est pas non plus la même chose que frotter seule chez soi.
Enfin ce sont les femmes blanches qui trouvent que la lessive n'est pas la meilleure façon de représenter la femme. Les Mahoraises elles font d'autres commentaires.
De tout cela je conclus:
- que laver son linge à la rivière n'est pas plus dégradant que tenir une caisse à Jumbo ou être secrétaire d'état sous Kouchner. Et peut-être l'est-ce moins puisque l'on ne travaille pas pour quelqu'un d'autre mais pour soi.
- Que les Occidentaux projettent partout où ils se trouvent une image de la femme qui correspond à leurs craintes ou à leurs fantasmes, mais rarement aux réalités des environnements dans lesquels ils se meuvent.
- que si l'orthodoxie est l'autorité qui compte, alors la femme ne pourra plus être représentée que de deux façons; soit au boulot, mais attention hein! pas n'importe quel boulot; ministre, avocate, générale, candidate au Panthéon, et tout ça sans rire, saperlipopette, parce que rien n'est plus sérieux que le travail d'une femme. Ou alors nue et alanguie, récitant de la poésie ou jouant du luth, sans, bien sur, que l'on ne voie jamais le trou de son luth, ce qui serait incontestablement dégradant.
Le Vulé est trop viril, et la lessive trop vile. Ces remarques ont été proférées par des femmes. Des femmes wazungu; autrement dit des occidentales. Les Mahoraises ne sont sans doute pas suffisamment libérées pour apprécier comme il se doit l'aliénation dans laquelle je les maintiens et dans laquelle je tente de les faire rentrer dans l'Histoire.
Et que disent-elles de "la lessive" ces Mahoraises quin nous entourent? Personne n'a encore trouvé.
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1 commentaire:
Elles disent que la lessive au phosphate pollue les rivières et le lagon ?
Elles disent que votre cas est grave, voire irrécupérable, pour ne pas voir leur aliénation et leur dépendance?
Elles disent que ... eh bien, comme le linge étendu sur les cailloux, je sèche...
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