dimanche 30 novembre 2008
Que font donc mes voisins?
Je ne sais pas qui est Daoud Zaitouni, un excellent homme sans aucun doute mais il a tout faux. Olivier ne construit pas un chateau de sable. Ibrahim, mon deuxième voisin, celui qui est debout avec la pelle ne construit pas de château de sable non plus. Et Olivier n'a pas l'air de s'en faire. Mystère...
Mais que font-ils donc au milieu de la rue?
samedi 29 novembre 2008
vendredi 28 novembre 2008
ébauches
vendredi 14 novembre 2008
Qu'en penseraient les Mahorais si j'étais noir (3)
ébauche de tableau article 32
Une fois qu’ils m’auraient demandé d’où je venais les Comoriens pourraient fort bien me demander ce que je veux.
Déjà qu’ici on n’est pas très porté sur la représentation du réel il y a aussi le choix des sujets. D’un côté on a tous ces wazungu qui ne font que nous parler de développement, durable ou pas, ce qui veut dire maisons neuves, avec caniveaux, tout à l’égout et permis de construire pour tous, qui nous font envie avec tout ce qu’on voit à la télé, belles voitures whisky et petites pépées à Malibu ou Acapulco et pas une trace de boue sur les mocassins, même quant il pleut à torrents, ce serait quand même pas mal si on pouvait vivre comme ça, il y a aussi toutes ces études que font nos enfants pour arriver à ce niveau, toutes ces publicités pour des machines à laver, robots, fours électriques et autres équipements domestiques, écologiques, performants et qui s’intègrent si bien dans notre espace de vie hi hi hi ! tout l’argent qu’on dépense pour avoir une voiture neuve ou simplement pour avoir l’air, tous ces règlements et contraintes qu’on est bien obligé d’accepter si on veut être département, comme les impôts locaux par exemple, rien que d’y penser lahilaaa ! bref on se lève à cinq heures on rentre à dix-neuf heures, bien après le feuilleton, on dépense une fortune en essence rien que pour aller travailler, on fait tout ce qu’il faut pour être comme tout le monde et on a ce guignol qui n’est même pas d’ici qui vient nous représenter en short et torse nu pour les hommes, comme des vrai matsaha*, assises le cul dans l’eau pour les femmes, occupées à piailler et à faire la lessive ! Et il fait ça en grand, pour que ça se voie bien ! Il nous veut quoi ce négro ? Qui, je vous le demande, QUI veut vivre à nouveau dans une case en torchis avec un toit de feuilles séchées qui prend l’eau et dans lequel se nichent rats et scolopendres ? Nous on n’en veut plus ! On veut bien continuer à manger avec les doigts, assis sur une noix de coco, quand ça nous fait plaisir, on veut bien passer du temps à échanger des potins avec les copines, par beau temps, les fesses dans l’eau en faisant une lessive, mais on n’en veut plus des cases, on n’en veut plus des pistes, on n’en veut plus des dispensaires pourris, on n’en veut plus du travail pieds nus dans les champs, s’il en veut, lui, le négro qui peint, il n’a qu’à aller peindre en Afrique où ils sont tous comme ça, mais pas à Mayotte qui est française, oui, fran-çai-se, on ne le répètera jamais assez ! et en France il n’y a pas de misère comme chez nous, on n’en n’a jamais vu à la télé sinon dans les vieux films, les films d’histoire, mais on s’en fout on ne regarde jamais ces films là et si on continue à aimer la vie simple et au grand air, ce qui est notre droit le plus strict, on n’a pas du tout envie, alors là vraiment pas du tout envie ni d’être photographié ni d’être dessiné, ni d’être vu et contemplé par qui que ce soit qu’on ne connait pas. Nous ce qu’on veut c’est Mayotte qui avance, qui se développe, qui prend des méga distances d’avec les idiots d’à côté, ceux qui n’ont pas fait le bon choix, avant c’était eux qui se la pétaient maintenant c’est nous tant pis pour eux, on ne sera vraiment rassuré que quand Mamoudzou ressemblera à Neuilly. Mettez-moi dans une Ferrari avec les Ray-ban et la Rolex et une passagère canon follement amoureuse de moi, une m’zungu de préférence histoire de joindre l’utile à l’agréable et je veux bien me laisser croquer de long en large quand on veut et par n’importe quel artiste mais torse nu dans mon champ ou les seins à l’air dans la rivière c’est niet sur toute la ligne. Du m’zungu on s’attend à tout ; il nous observe dans notre intimité, il rentre chez nous sans qu’on le lui demande, il édicte les règles, il promène ses chiens en laisse, il pose des tas de questions et il nous peint à poil. Mais bon on supporte parce que primo dès le départ il n’est pas pareil que nous et deuxio c’est lui qui a les sous. L’africain qui peint nous ressemble mais il ne fait pas comme nous et les sous ils sont où ? Ce n’est sûrement pas de l’Afrique qu’ils vont venir. Le m’zungu qui peint on l’ignore. Le noir qui peint on ne lui fait pas confiance.
La taille des Comores, leur culture et l’époque à laquelle on vit accumulent ainsi comme à plaisir les obstacles les plus efficaces à l’émergence de ces « Je » citoyens, des intellectuels, des artistes, tout ce dont rêve Mr el Badawi (une suite à Moroni blues), et imposent à chacun un carcan d’une lourdeur et d’une rigidité telles que tout individu hors normes ne pourra trouver sa voie que dans l’exil.
Le Comorien hors normes partira passer quinze ans en métropole dans l’espoir de se débarrasser de ses chaînes, ne s’en débarrassera bien évidemment pas mais remerciera le Ciel s’il a acquis la force de pouvoir vivre avec elles tandis que, pour très exactement la même raison, et avec les mêmes contraintes, certains blancs, dont je suis, vivront pendant quinze ans un exil africain. Dans mon cas cet exil aura au moins eu le mérite de permettre l’émergence d’un œuvre, ce qui n’est pas rien. Vouloir changer de couleur de peau, même et surtout le temps d’un vernissage serait nier mon exil même et refuser ce qui l’a rendu nécessaire, ce serait refuser de faire face à un des éléments qui me font « hors normes », élément que j’aime ou que je n’aime pas, peu importe, mais qui constitue véritablement ma nature et si je m’obstinais dans un tel déni je m’installerais dans l’erreur, ce qui est fatal pour un artiste, et je m’exposerais plus que je n’exposerais mon travail, ce qui est probablement tout aussi dangereux.
Me teinter en noir pour parler de ma peinture, finalement, ne serait peut-être pas une très bonne idée.
C’eut pourtant été un moyen de rendre le dessin plus acceptable aux Comores puisque, à tous les handicaps énumérés jusqu’ici il s’en ajoute un autre, entré plus récemment dans la psyché comorienne mais installé pour de bon et pour longtemps. A la question : « pourquoi ne dessine-t-on pas d’avantage aux Comores ? » il sera souvent répondu : « parce que c’est un truc de m’zungu. » Bon.
Les Chinois, les Japonais dessinent, beaucoup, très bien et depuis fort longtemps. Le respect qu’ils accordent au dessin ou à la peinture est tel que les meilleures œuvres des plus grands maîtres sont hissées au rang de trésor national. S’il s’en vendait encore un dessin d’Hokusai vaudrait à peu près le même prix qu’un dessin de Léonard.
Si le dessin est un truc de m’zungu les Chinois et les Japonais sont-ils des wazungu comme les autres?
A suivre…
* matsaha : inculte, grossier, sans éducation, sauvage, personnage des bois et des plages, bon à servir mais qui peut quand même se rebeller, on l’a déjà vu, donc s’en méfier, un être insignifiant, même que s’il y en avait moins on ne s’en rendrait pas compte.
Tableau fini
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mayotte comores art peinture développement
dimanche 9 novembre 2008
Qu'en penseraient les Mahorais si j'étais noir? (2)
article 31
L’Islam interdit la représentation divine, ce qui n’est sans doute pas plus bête que de représenter Dieu avec une grande barbe, vautré sur son nuage comme Mahoraise au marché, entouré par une kyrielle d’anges gironds mais asexués, et, sans la mettre explicitement à l’index, n’encourage guère la représentation du réel, qu’il trouve au mieux inutile (comment peut-on faire mieux ce que Dieu a déjà parfaitement fait ?!), au pire dangereuse. L’artiste en effet ne se contente pas de représenter, cela n’importe quel appareil photographique peut le faire, mais il interprète, ce qui lui donne une voix à lui, une voix toute personnelle qui lui permet de proposer à autrui sa propre vision du monde et qui lui donne donc un pouvoir que toute bonne religion a le devoir de surveiller. C’est ainsi que dans les pays musulmans, et cela quel que soit leur degré d’orthodoxie, on constate que l’image « prise » (photos, vidéos, films) est tolérée, au contraire de l’image « faite » (dessin, peinture, sculpture) qui suscite les pires méfiances.
Je soupçonne qu’au départ l’Afrique, réaliste et lucide selon son naturel et bonne enfant selon son habitude, étant indifférente à la représentation du réel, se contentait de vivre avec lui du mieux qu’elle le pût. Représenter le réel n’intéresse pas beaucoup l’Africain. L’évoquer, au travers de représentations stylisées et symboliques lui suffit largement pour entrer en contact avec l’ « âme » des choses et des gens. Si bien que lorsque l’Islam est arrivé avec son cortège de réticences ou d’interdictions ces dernières ont été acceptées comme allant quasiment de soi, là n’étant pas l’important.
La taille de l’archipel (un tiers de la Creuse) ne va rien arranger, bien au contraire. Un pas décisif vers la compréhension des Comores aura été fait si on se souvient (pour les plus âgés d’entre nous) comment fonctionnaient les habitants d’un village, au temps où un village était capable de vivre en unité presque fermée, où il y avait peu de voitures et pas de télévision. Ploucs de tous les pays reconnaissez-vous ! Ici, et bien évidemment à l’intérieur de chacune des îles tout le monde connaît tout le monde et tout le monde surveille tout le monde. Dans « Moroni blues » (Bilk and Soul) et dans « Une suite à Moroni blues » (éditions de la lune) Mr El Badawi l’expose magistralement et démonte les mécanismes qui, valables pour Moroni, le sont tout autant pour chacune des quatre Comores. Hors de la norme point de salut.
Déjà contraignante sur l’adulte cette pression va être intolérable sur l’enfant, en particulier pendant les années où se fait normalement tout apprentissage, entre neuf et quinze ans, puisque la pression du groupe se surimposera à celle de l’adolescence, laquelle tolère mal le moindre signe d’originalité, souvent confondue avec la déviance.
A cela s’ajoute, autre caractéristique comorienne, et pas la dernière en importance, la structure matriarcale qui rend la mère toute puissante et interdit à l’enfant ou à tout le moins ne facilite en aucune manière la révolte que celui-ci doit nécessairement vivre pour pouvoir ensuite s’attacher à une figure moins confortable, moins normative mais plus dirigiste, souvent une figure mâle, capable de lui imposer et de lui faire accepter la discipline nécessaire à tout apprentissage. La discipline ne se résume pas à l’adoption d’un code ; il n’y aurait là que formatage, lequel est effectué dans la petite enfance, le plus souvent sous la direction de la mère et ici plus qu’ailleurs. La discipline, sans laquelle aucune construction ne peut harmonieusement être menée à terme suppose l’inscription de l’effort dans la durée, suggère qu’on attende avant d’avoir des résultats, impose l’effort longtemps avant la récompense et ce ne peut guère être le rôle de la mère, trop habituée à réconforter dans l’instant. Il existe pourtant des exceptions, qui surprennent, comme toutes les exceptions, qui ravissent comme les exceptions rares, et qui donnent à rêver, comme tout ce qui est prometteur. Je pense à Modali qui est comorien, qui est un maître, et auquel personne ne jette de pierres peut-être parce que, bien que le pratiquant fort bien, il a abandonné le figuratif.
A suivre…
L’Islam interdit la représentation divine, ce qui n’est sans doute pas plus bête que de représenter Dieu avec une grande barbe, vautré sur son nuage comme Mahoraise au marché, entouré par une kyrielle d’anges gironds mais asexués, et, sans la mettre explicitement à l’index, n’encourage guère la représentation du réel, qu’il trouve au mieux inutile (comment peut-on faire mieux ce que Dieu a déjà parfaitement fait ?!), au pire dangereuse. L’artiste en effet ne se contente pas de représenter, cela n’importe quel appareil photographique peut le faire, mais il interprète, ce qui lui donne une voix à lui, une voix toute personnelle qui lui permet de proposer à autrui sa propre vision du monde et qui lui donne donc un pouvoir que toute bonne religion a le devoir de surveiller. C’est ainsi que dans les pays musulmans, et cela quel que soit leur degré d’orthodoxie, on constate que l’image « prise » (photos, vidéos, films) est tolérée, au contraire de l’image « faite » (dessin, peinture, sculpture) qui suscite les pires méfiances.
Je soupçonne qu’au départ l’Afrique, réaliste et lucide selon son naturel et bonne enfant selon son habitude, étant indifférente à la représentation du réel, se contentait de vivre avec lui du mieux qu’elle le pût. Représenter le réel n’intéresse pas beaucoup l’Africain. L’évoquer, au travers de représentations stylisées et symboliques lui suffit largement pour entrer en contact avec l’ « âme » des choses et des gens. Si bien que lorsque l’Islam est arrivé avec son cortège de réticences ou d’interdictions ces dernières ont été acceptées comme allant quasiment de soi, là n’étant pas l’important.
La taille de l’archipel (un tiers de la Creuse) ne va rien arranger, bien au contraire. Un pas décisif vers la compréhension des Comores aura été fait si on se souvient (pour les plus âgés d’entre nous) comment fonctionnaient les habitants d’un village, au temps où un village était capable de vivre en unité presque fermée, où il y avait peu de voitures et pas de télévision. Ploucs de tous les pays reconnaissez-vous ! Ici, et bien évidemment à l’intérieur de chacune des îles tout le monde connaît tout le monde et tout le monde surveille tout le monde. Dans « Moroni blues » (Bilk and Soul) et dans « Une suite à Moroni blues » (éditions de la lune) Mr El Badawi l’expose magistralement et démonte les mécanismes qui, valables pour Moroni, le sont tout autant pour chacune des quatre Comores. Hors de la norme point de salut.
Déjà contraignante sur l’adulte cette pression va être intolérable sur l’enfant, en particulier pendant les années où se fait normalement tout apprentissage, entre neuf et quinze ans, puisque la pression du groupe se surimposera à celle de l’adolescence, laquelle tolère mal le moindre signe d’originalité, souvent confondue avec la déviance.
A cela s’ajoute, autre caractéristique comorienne, et pas la dernière en importance, la structure matriarcale qui rend la mère toute puissante et interdit à l’enfant ou à tout le moins ne facilite en aucune manière la révolte que celui-ci doit nécessairement vivre pour pouvoir ensuite s’attacher à une figure moins confortable, moins normative mais plus dirigiste, souvent une figure mâle, capable de lui imposer et de lui faire accepter la discipline nécessaire à tout apprentissage. La discipline ne se résume pas à l’adoption d’un code ; il n’y aurait là que formatage, lequel est effectué dans la petite enfance, le plus souvent sous la direction de la mère et ici plus qu’ailleurs. La discipline, sans laquelle aucune construction ne peut harmonieusement être menée à terme suppose l’inscription de l’effort dans la durée, suggère qu’on attende avant d’avoir des résultats, impose l’effort longtemps avant la récompense et ce ne peut guère être le rôle de la mère, trop habituée à réconforter dans l’instant. Il existe pourtant des exceptions, qui surprennent, comme toutes les exceptions, qui ravissent comme les exceptions rares, et qui donnent à rêver, comme tout ce qui est prometteur. Je pense à Modali qui est comorien, qui est un maître, et auquel personne ne jette de pierres peut-être parce que, bien que le pratiquant fort bien, il a abandonné le figuratif.
A suivre…
lundi 3 novembre 2008
Qu'en penseraient les Mahorais si j'étais noir?
article 30
Je ne suis pas certain que ça leur plairait tant que ça.
Ils commenceraient par me demander d’où je viens. Ils me demanderaient ensuite ce que je cherche.
D’où je viens ? Pas des Comores assurément et encore moins de Mayotte. A aucun moment de sa vie le Comorien n’est seul et personne ne l’y encouragera jamais. Les Comores n’ont pas le privilège de la pression sociale et partout dans le monde, et à toutes les époques, les groupes constitués ont fait pression sur leurs membres pour qu’ils ne sortent pas du discours établi, pour des raisons de survie vraisemblablement, chaque défection entraînant un affaiblissement du groupe et chaque déviance en suscitant la crainte. Le groupe commence avec la sphère familiale, premier ensemble capable de conférer à chacun de ses membres une force qu’ils n’auraient jamais seuls. C’est cette pression là qui est la pression originelle, d’où le provocateur « familles, je vous hais » de Gide.
Si chaque individu possède naturellement son regard propre sur le monde l’artiste sera celui qui tentera de concrétiser ce regard, de le rendre perceptible à d’autres que lui et, dans le cas des artistes plasticiens, de plier la matière aux exigences de sa vision. Dans une société où tout le monde s’exprime avec les mains le manchot est bien embêté. Il lui faudra du temps, des efforts, et une attitude toute personnelle pour mettre en place un moyen de communication exprimant ses désirs et ses sentiments. Dans une société ou tout le monde parle celui à qui la parole ne suffit pas pour dire ce qu’il a à dire utilisera d’autres moyens, l’écrit par exemple et devra passer quelque temps seul avec ce dont il dispose pour présenter un langage qui le « dise » à la place du langage utilisé par son entourage. C’est dans cet espace là que se situera la solitude de l’intellectuel ou de l’artiste, un peu comme ces boyaux sombres et angoissants dans lesquels se faufilent et se contorsionnent les spéléologues avant de déboucher dans des salles plus vastes. La création est solitaire mais cette solitude là fait partie de la vie de l’artiste et nul ne peut véritablement ni s’y soustraire ni s’en plaindre. Mais si le dramaturge, le chorégraphe, le musicien sont seuls lorsqu’ils composent et créent leurs œuvres, la concrétisation de leurs représentations esthétiques se fait devant un public et le plus souvent par le biais d’un groupe. Rien de tel pour l’écrivain (et surtout le poète, le plus fou d’entre les littérateurs), ou le plasticien qui restent seuls lorsqu’ils sont exposés et dont les œuvres, pour devenir outil de communication, ne requièrent qu’un seul lecteur ou qu’un seul spectateur. Les individus pour lesquels le langage commun ne suffit pas sont rares. Ceux qui s’attèlent corps et âme à la tâche consistant à inventer leur propre expression (appelons ça « création ») sont plus rares encore. Et ils le seront d’autant plus dans les sociétés où la pression d’être conforme est forte. Laquelle pression variera en fonction de la taille du groupe (plus il est restreint plus ses codes seront coercitifs) et de sa propre culture. « Nul n’est prophète en son pays » entend-on dire un peu partout en occident ; ce dicton prouve bien que la pression sociale n’est pas un trait uniquement comorien et qu’elle s’exerce partout et à toutes les époques mais ce qui caractérise les Comores en général et donc aussi Mayotte c’est qu’ici les deux types de pression se conjuguent de façon indissoluble. La pression culturelle qui vient de deux courants principaux, à savoir l’Islam et l’africanité des Comores va se trouver terriblement renforcée par la taille des quatre îles, à jamais inextensibles, créant ainsi un maxi carcan pour un mini pays et rendant plus difficiles et plus improbables, à l’intérieur de l’archipel, l’émergence et le développement de personnalités hors normes et acceptées comme telles.
Jules Renard disait : « les gens raisonnables voient le monde tel qu’il est et s’en accommodent ; les gens déraisonnables voient le monde tel qu’il est et, ne s’en accommodant point tentent d’y changer quelque chose. Le monde ne pourra donc être changé que par des gens déraisonnables ».
Aux Comores les gens déraisonnables ont moins de facilités qu’ailleurs et ça finit par être pesant, n’est-ce pas Soeuf ?
A suivre…
P.S. Pour le lecteur (anonyme) un peu prompt à affirmer que je ne peins que des noirs (et un peu accusateur avec ça…), prêt également à considérer qu’un racisme efface un autre racisme, ces deux petits portraits qui devraient l’inciter à plus de prudence. Le portrait de la petite fille n’est pas terminé.
Vernissage le mercredi 12 novembre, à 18 h 30, au M'Biwi café, de dix-huit petits tableaux
Je ne suis pas certain que ça leur plairait tant que ça.
Ils commenceraient par me demander d’où je viens. Ils me demanderaient ensuite ce que je cherche.
D’où je viens ? Pas des Comores assurément et encore moins de Mayotte. A aucun moment de sa vie le Comorien n’est seul et personne ne l’y encouragera jamais. Les Comores n’ont pas le privilège de la pression sociale et partout dans le monde, et à toutes les époques, les groupes constitués ont fait pression sur leurs membres pour qu’ils ne sortent pas du discours établi, pour des raisons de survie vraisemblablement, chaque défection entraînant un affaiblissement du groupe et chaque déviance en suscitant la crainte. Le groupe commence avec la sphère familiale, premier ensemble capable de conférer à chacun de ses membres une force qu’ils n’auraient jamais seuls. C’est cette pression là qui est la pression originelle, d’où le provocateur « familles, je vous hais » de Gide.
Si chaque individu possède naturellement son regard propre sur le monde l’artiste sera celui qui tentera de concrétiser ce regard, de le rendre perceptible à d’autres que lui et, dans le cas des artistes plasticiens, de plier la matière aux exigences de sa vision. Dans une société où tout le monde s’exprime avec les mains le manchot est bien embêté. Il lui faudra du temps, des efforts, et une attitude toute personnelle pour mettre en place un moyen de communication exprimant ses désirs et ses sentiments. Dans une société ou tout le monde parle celui à qui la parole ne suffit pas pour dire ce qu’il a à dire utilisera d’autres moyens, l’écrit par exemple et devra passer quelque temps seul avec ce dont il dispose pour présenter un langage qui le « dise » à la place du langage utilisé par son entourage. C’est dans cet espace là que se situera la solitude de l’intellectuel ou de l’artiste, un peu comme ces boyaux sombres et angoissants dans lesquels se faufilent et se contorsionnent les spéléologues avant de déboucher dans des salles plus vastes. La création est solitaire mais cette solitude là fait partie de la vie de l’artiste et nul ne peut véritablement ni s’y soustraire ni s’en plaindre. Mais si le dramaturge, le chorégraphe, le musicien sont seuls lorsqu’ils composent et créent leurs œuvres, la concrétisation de leurs représentations esthétiques se fait devant un public et le plus souvent par le biais d’un groupe. Rien de tel pour l’écrivain (et surtout le poète, le plus fou d’entre les littérateurs), ou le plasticien qui restent seuls lorsqu’ils sont exposés et dont les œuvres, pour devenir outil de communication, ne requièrent qu’un seul lecteur ou qu’un seul spectateur. Les individus pour lesquels le langage commun ne suffit pas sont rares. Ceux qui s’attèlent corps et âme à la tâche consistant à inventer leur propre expression (appelons ça « création ») sont plus rares encore. Et ils le seront d’autant plus dans les sociétés où la pression d’être conforme est forte. Laquelle pression variera en fonction de la taille du groupe (plus il est restreint plus ses codes seront coercitifs) et de sa propre culture. « Nul n’est prophète en son pays » entend-on dire un peu partout en occident ; ce dicton prouve bien que la pression sociale n’est pas un trait uniquement comorien et qu’elle s’exerce partout et à toutes les époques mais ce qui caractérise les Comores en général et donc aussi Mayotte c’est qu’ici les deux types de pression se conjuguent de façon indissoluble. La pression culturelle qui vient de deux courants principaux, à savoir l’Islam et l’africanité des Comores va se trouver terriblement renforcée par la taille des quatre îles, à jamais inextensibles, créant ainsi un maxi carcan pour un mini pays et rendant plus difficiles et plus improbables, à l’intérieur de l’archipel, l’émergence et le développement de personnalités hors normes et acceptées comme telles.
Jules Renard disait : « les gens raisonnables voient le monde tel qu’il est et s’en accommodent ; les gens déraisonnables voient le monde tel qu’il est et, ne s’en accommodant point tentent d’y changer quelque chose. Le monde ne pourra donc être changé que par des gens déraisonnables ».
Aux Comores les gens déraisonnables ont moins de facilités qu’ailleurs et ça finit par être pesant, n’est-ce pas Soeuf ?
A suivre…
P.S. Pour le lecteur (anonyme) un peu prompt à affirmer que je ne peins que des noirs (et un peu accusateur avec ça…), prêt également à considérer qu’un racisme efface un autre racisme, ces deux petits portraits qui devraient l’inciter à plus de prudence. Le portrait de la petite fille n’est pas terminé.
Vernissage le mercredi 12 novembre, à 18 h 30, au M'Biwi café, de dix-huit petits tableaux
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