Aujourd'hui je ressemble à ça.
Quelles soient noires ou blanches les élites de Mayotte ne m’aiment pas.
Du côté des blancs on a le directeur des affaires culturelles de la Préfecture. Quand il me voit, ce qui est rare et qui dépend de circonstances sociales totalement indépendantes de sa volonté, il me tend sans plaisir deux quenelles molles et froides à serrer en guise de poignée de main, me toussote un évanescent bonjour en regardant par-dessus mon épaule pour voir s’il ne s’y trouverait pas quelqu’autre individu avec lequel il serait plus flatteur de s’afficher, quelqu’acteur de la vie culturelle locale plus digne de son éducation, de sa fonction et de sa suffisance.
Du côté des Mahorais on a le directeur des affaires culturelles du Conseil Général. Kofia sur la tête, djellaba sur les épaules, non seulement le vendredi mais la plupart des jours de la semaine, un vrai produit du cru. Il me rendit visite une fois à Bandraboua, là où je vivais et travaillais il y a maintenant quatorze ans de cela. J’eus ensuite peu de temps après une conversation avec lui dans son bureau où l’on parla de tout, y compris de Rembrandt qu’il me sembla connaître, ce qui m’étonna fort et me remplit d’espoir. En ces temps de rustres et en ces terres arides je crus avoir trouvé un interlocuteur. Tu parles ! Je lui téléphone, il n’est pas là ; je lui écris, il ne répond pas ; je lui envoie des mails, ils restent sans réponse et ça fait plus de quatorze ans que ça dure.
Autre Mahorais, créolisé celui là, le directeur du service culturel (ça fait quand même beaucoup de directeurs culturels tout ça), qui s’occupe des spectacles et des actions culturelles. Ce dernier ne remercie pas quand on lui envoie des reproductions de tableaux, ne vient ni ne donne signe de vie lorsque sa propre tante l’invite chez moi à un de ses vernissages et me salue d’un bref et réticent hochement de la tête, lorsqu’il m’aperçoit, sans un mot et sans un sourire. Un peu comme si, là où j’étais, je n’aurais pas dû être.
Lorsqu’un raout est organisé, ces messieurs invitent les « acteurs culturels de l’île », c’est l’expression consacrée, ainsi qu’il fut fait lors de la visite du frère de PPDA par exemple, ou à l’occasion du déplacement d’un grand commis de l’Etat. Croyez-vous que j’en sois du nombre ? Pas du tout. Marcel n’est pas un acteur culturel de Mayotte. Oh les fâcheux butors ! Lorsqu’ils décident d’offrir au ministre de passage un tableau en guise de souvenir, ont-ils auparavant visité mon atelier ? Pas une fois ; ni ne se sont jamais enquis de mes tarifs, pourtant fort modestes. On invite Jan Van der Hoven, rasta hilare de père hollandais et de mère zaïroise et qui n’est donc pas plus mahorais que ne le fut ma grand-mère, ou on achète un tableau à Tim, jeune femme d’ascendance malgache ou asiatique voire les deux à la fois, pas mahoraise pour un sou elle non plus. On peut préférer leur travail au mien mais pourquoi ne tient-on jamais compte ni de ce que je fais ni des quinze ans que j’ai passés dans l’île ? Pourquoi ne me pose-t-on jamais aucune question ? Il n’y a pourtant pas tant de peintres que ça par ici et il y en a encore moins qui travaillent correctement. Ma peinture est-elle nulle ? Ah ah ! Rions. Ces messieurs sont-ils tous niais ? C’est très possible. Tous ignorants ? C’est très probable. Tous inutiles ? C’est très certain. Mais j’ai une autre explication et ce que je crois aujourd’hui c’est que la couleur de l’artiste compte plus que celle de son travail et que subséquemment, je serais beaucoup plus courtisé si j’étais noir. Par exemple, là, en ce moment, je joue avec l’idée de me teindre en noir pour présenter ma prochaine expo (le 12 novembre à 18h30 au M’biwi café)
Supposons donc que je sois noir A suivre…
jeudi 23 octobre 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
4 commentaires:
alors moi je VEUX voir Marcel en noir!
bon, commentaire sur la photo puisque vous les aimez, les commentaires (les souhaitez en tout cas): pourquoi avoir les lèvres serrées (photo + auto portrait)?
autre commentaire: pour une fois qu'on fait du racisme culturel anti-blanc, ça rétablit un peu l'équilibre..;-)))))
Après tout, vous ne peignez que des noirs ;-p
Bon j'essayerai de faire mieux comme commentaire une autre fois.
Question: si je vous envoie une photo de mes (adorables) ânes (du Bourbonnais), ça me coûtera combien que vous en fassiez un tableau?
Mon pauvre Marcel .... remarque, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre et à force de les assaisonner, ça finit par te retomber sur le nez ! j'arrive avec ma trousse de maquillage de clown dans mes bagages et si tu n'as pas décoléré d'ici le 12 nov, je veux bien te peindre en noir ... ça, ça devrait faire jaser et c'est bien le but non ?
Il est un peu rose le blanc Marcel, non ?
Faire l'expérience de la minorité est une des découvertes de Mayotte, pas toujours agréable et très instructive sur les travers partagés par toute l'humanité.
Je viens à peine de comprendre le titre "un Séjour aux Comores".
Je suis assez content de moi sur ce coup là, je dois dire.
Moi aussi, j'aimerais voir Marcel peint en noir. D'ailleurs même en Métropole, dans la catégorie "peinture du monde" ce serait un plus, au lieu d'être banalement rose et en plus de mauvais caractère (soupçon gratuit, je m'empresse de le dire).
Grève des instits, qui bloquent le rond point Passot sans même offrir à boire aux tomobilistes coincés.
Lesquels pestent et râlent. J'ai mis au pluriel pour mieux me cacher dedans.
Oum, tu es clown ? Je l'ai été. C'est curieux de mettre ça au passé ...
Enregistrer un commentaire