jeudi 27 août 2015

la nostalgie du magnégné


La nostalgie du magnégné

 

*Nostalgie : tristesse causée par l’éloignement du pays natal ou regret attendri accompagné de mélancolie. (dictionnaire Larousse)

*Magnégné : notion comorienne désignant une situation, une chose ou un travail dont la qualité va du bricolage approximatif au n’importe quoi.

 

 

On va oublier tout de suite la tristesse causée par l’éloignement du pays natal puisque je ne suis pas né dans les Comores. Reste le « regret attendri » que ma peinture inspire. C’est vrai ça, je ne peins que des vieux trucs ; ce qui a disparu ou ce qui va disparaître. Il est très rare par exemple que je mette des véhicules à moteur dans mes tableaux ; un ou deux scooters parfois ; des carcasses de voitures enfouies dans les herbes avec des enfants qui jouent sur le toit défoncé mais une Lamborghini neuve jamais. Presque jamais également de poteaux ou de fils électriques. Si j’avais vécu avant la révolution industrielle je me demande bien ce que j’aurais pu peindre. Alors, suis-je nostalgique du passé ? Pas sûr. Je ne ressens aucun « regret attendri » lorsque je vois ce qui reste des cases en torchis avec leur toit en feuilles de cocotier tressées ; aucune nostalgie à l’égard des rats et des scolopendres qui s’y nichent ; aucun regret des sols en terre battue pendant la saison des pluies et aucune langueur de l’éclairage à la bougie. En fait je ne peins pas les cases parce que je les regrette mais parce que je les trouve plus agréables à regarder que les clapiers en béton. Et d’une façon générale je n’aime pas peindre ce qui est beau ; j’aime rendre beau ce qui est ordinaire. Je suis souvent persuadé que la beauté peut se trouver partout à condition que soient réunies les conditions nécessaires à sa découverte. C’est une question d’éclairage, de cadrage, d’orientation du regard, de juxtaposition avec d’autres objets, celui-ci mettant celui-là en valeur. Et comme mon point fort est d’arranger les choses, un peu comme le fait un fleuriste, le désordre me convient mieux que l’ordre, le vieillot plus que le tout neuf, le suranné bien plus que le tendance. J’aime donc le magnégné. Et j’aime donc les Comores.

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