lundi 23 mars 2009

Dernier baroud pour que Mayotte ne soit pas département


Partie N° 2 Fraternité républicaine


Depuis que Ségolène l’a chanté dans un palais des sports le mot fraternité a tendance à faire sourire ; on parle ainsi désormais de solidarité nationale, voire de solidarité républicaine. L’expression, vidée de toute sensiblerie, évoque une cohésion quasiment instantanée des français dans leur ensemble aussitôt qu’un des leurs est frappé par le sort, un élan irrésistible de solidarité engagé, encouragé, orchestré par les plus hautes instances du pays, garantes d’une efficacité sans faille, qui va venir en aide aux plus démunis avec l’argent que vont lui donner de bon cœur et avec le sourire ceux qui en ont plus qu’il ne leur est nécessaire ; la toute première conséquence d’un OUI au département sera de mettre en branle cette désormais fameuse « solidarité républicaine », celle qui consiste à répartir les richesses de façon un peu plus humainement satisfaisante, de prendre aux riches pour donner aux pauvres, d’ouvrir en grand les portes à ce qui n’est accessible qu’aux départements et aux seuls départements, c'est-à-dire les subventions et allocations d’un côté et les impôts et taxes de l’autre, Ce qui est donné et ce qui est repris. On nous donnera un peu plus. Sans doute. Et on nous prendra un peu plus. Sans aucun doute. Tout consiste donc à savoir si nous y gagnerons ou non. Des experts très qualifiés nous expliquent que les subventions et allocations dépasseront très largement les impôts exigés, impôts que les Mahorais ne paieront pas puisque leurs revenus sont trop faibles. A quoi d’autres experts tout aussi qualifiés répondent que les impôts locaux, tels les ordures ménagères, ou la taxe foncière sont payables sitôt qu’on est locataire ou propriétaire, même si on n’a pas de revenu et que les allocations diverses seront largement érodées par un net accroissement du coût de la vie. Difficile de s’y retrouver. La seule chose dont on soit absolument certain c’est que si Mayotte devient département elle vivra au rythme des autres départements. Il suffit donc d’étudier ce qui s’est fait en France depuis les dix dernières années pour deviner ce qui va très probablement arriver à Mayotte. Or on constate que le niveau de vie général des métropolitains n’a pas beaucoup augmenté mais qu’au contraire il a souvent baissé, que le pouvoir d’achat n’est plus ce qu’il était, que les allocations et subventions diverses sont en nette diminution et de plus en plus difficiles à obtenir pour un nombre de gens de plus en plus restreint, que les acquis sociaux partent les uns après les autres, que les inégalités sont de plus en plus criantes, que la précarité devient la règle générale et que chômage et délocalisation sont les deux flasques mamelles de la société qui s’annonce ; DES sociétés qui s’annoncent, doit-on dire car la France n’est pas la seule dans ce cas. Toutes les nations européennes sont concernées. Si tout cela se passe en France, si la crise y sévit, si la précarité s’installe, si le nombre des miséreux augmente, pour quelle raison Mayotte, département français, connaitrait-elle un sort différent ?

Sitôt devenue département Mayotte recevra plus d’argent !

Peut-être mais pas tout de suite et comme tous les autres départements elle n’en aura pas beaucoup parce que les temps sont durs n’est-ce pas, parce que c’est la crise, parce que les caisses sont vides, parce qu’on a déjà donné, parce que tout se traite à Paris et qu’il faut donc en référer à Paris, parce qu’il y a un nouveau ministre, comme vous le savez, qu’il ne connaît pas encore le dossier, comme vous vous en doutez mais il va l’étudier, très bientôt, faites-lui confiance, et il rendra ses conclusions très bientôt, prochainement même, parce qu’on ne peut pas aller trop vite voyons voyons, que certaines étapes doivent être atteintes avant d’autres, l’inverse est vrai aussi, parce qu’il faut laisser du temps au temps et ne pas mettre la charrue avant les bœufs, ah ! les beaux grands bœufs du grand Chirac ! et pour tout un tas d’autres raisons aussi bonnes les unes que les autres, raisons que les Français de métropole et de Mayotte ont déjà toutes entendues mille et une fois et il n’y a pas de raison pour que ça change puisque la crise est là, qu’elle est bien là et que nous nous en sortirons, ça c’est sur, nos dirigeants nous l’affirment mais ça va prendre du temps et pour s’en sortir il faudra se serrer les coudes, serrer les dents et probablement serrer aussi les fesses. Il n’est d’ailleurs pas besoin d’être département pour attendre les sous puisque notre bon vieil état providence a déjà prévu que le RMI, ou le RSA, ou ce qu’il s’appellera dans dix ans ne serait versé à Mayotte dans son intégralité que dans dix ans justement. Il n’est pas prévu par contre que la fiscalité ait besoin de dix ans pour se mettre au goût et à l’heure de l’hexagone. Bref, que du bonheur. Et Bruxelles fera aussi partie de la fête, qui insistera pour verser son obole aux tout frais départementalisés, soyez les bienvenus dans le cercle de l’Europe, nous vous attendions, enfin vous voilà, vous faut-il des routes, des ponts, une piste longue ? Ne vous inquiétez plus de rien nous nous occupons de tout.

C’est quoi ce délire ?

Par la maîtrise des rouages administratifs qu’elle suppose la départementalisation profitera d’abord, et presque exclusivement à ceux qui ont l’habitude du pouvoir politique ou/et économique, soit 80% des créoles catholiques et 10% des noirs musulmans, c'est-à-dire à peu près 15% de la population ; au grand maximum. Ça c’est de la démocratie qu’elle est bonne ! Et il n’y a aucune chance pour que ça s’arrange puisque dans le monde entier les richesses sont de plus en plus concentrées dans les mains de moins en moins de gens. Crise après crise, défaillance après défaillance la prospérité de la France ne se conjugue désormais plus qu’au passé. Jamais plus la France ne redistribuera autant de richesses que celles dont elle disposait jusqu’à la fin des trente glorieuses. Ce destin est non seulement inéluctable mais il est sans retour possible. Jamais on n’a vu un Empire s’écrouler puis revenir à sa gloire première. Le sort de l’Occident est donc scellé. L’Occident va tomber, ça on le sait. Quand ? Ca on ne sait pas. C’est Dieu qui sait. La chute de Rome a pris deux siècles ; celle du Pékin impérial n’a pris que quelques mois mais ce qu’on sait à Mayotte, et ce à quoi nos enfants devraient être préparés, c’est que suivre le Blanc là où il va n’est plus aussi rassurant qu’avant et nous avons le droit, ici, à Mayotte et petits comme nous sommes, d’essayer de doubler nos chances. Quel est l’intérêt de s’attacher pieds et poings liés au sort d’un géant qui s’effondre ? Ancrer aujourd’hui son destin à celui de la France c’est prendre en marche un train qui ralentit et va bientôt s’arrêter. En disant OUI au département Mayotte met tous ses œufs dans un seul panier ; celui du mzungu. C’est ça la sagesse mahoraise ? C’est ça que les anciens souhaitaient pour leurs enfants ?


Partie N° 3 demain

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est marrant, ce que vous dites est évidant et pourtant je ne l'ai jamais entendu nulle part dit comme ça. Si je savais pas que vous êtes mzungu je croirai que vous êtes mahorais.

Anonyme a dit…

Vos tableaux m'intéressent peu. Vos textes sont de ceux que l'on veut garder. Les relire dans dix ans vaudront toutes les photos.
A demain pour la suite.