dimanche 13 septembre 2015

L’art ; pour quoi faire ? première partie





L’art ; pour quoi faire ? première partie
12 septembre 2015

Questions en vrac pour commencer.
Comment développer le goût de l’art aux Comores ? Comment développer le goût du dessin et de la peinture ? Faut-il plus de commandes ou plus de subventions ? Faut-il s’adresser aux élites ou à la multitude ? On dit qu’on ne trouve pas de goût pour la peinture aux Comores, mais n’y a-t-il aucun goût ou n’y a-t-il rien qui plaise ? Faut-il plaire au plus grand nombre et ne rien vendre puisque le plus grand nombre est fauché ou faut-il plaire à ceux qui peuvent acheter ? Pourquoi ce qui plait au plus grand nombre ne plairait-il pas à l’élite ? Quelle élite ? L’élite intellectuelle ou l’élite de l’argent ? Pourquoi, mais pourquoi diable vouloir développer l’art dans n’importe quelle région du monde ?
L’Islam est-il un frein à la peinture ou au dessin ?
Un essai de réponse pour continuer.
L’art pictural a pu se développer en Europe et ailleurs (je pense à la Chine, au Japon ou à l’Inde) parce qu’il y avait une demande pour des produits bien faits. Un objet d’art, à l’origine, c’est d’abord un travail bien fait. L’artisan précède l’artiste. Vu le temps nécessaire et la qualité des matériaux mis en œuvre pour la réalisation d’un bel objet celui-ci sera nécessairement cher, voire très cher et ne pourra donc être acheté que par un client riche, voire très riche. L’art est donc élitiste ; en amont puisqu’il exige un niveau exceptionnel d’exigence et de détermination de la part de l’artisan, et en aval puisqu’il suppose de la part de l’acheteur un niveau exceptionnel de revenus. Outre les gens fortunés, clients naturels sur tous les continents, l’Eglise chrétienne et ses immenses besoins en illustrations ont été un moteur puissant de la création imagière tandis que les  commandes permettaient à un vivier de dessinateurs de vivre et prospérer tout en maintenant un niveau élevé dans l’exécution.
Point d’Eglise aux Comores pour passer commande. Un petit mot puisqu’on est sur le sujet pour dire comment je vois le rôle de l’Islam. A ma connaissance l’Islam n’interdit pas la représentation humaine. Il interdit la représentation divine, ce qui n’est pas incongru. Dieu étant en effet impossible à appréhender interdire de Le représenter va quasiment de soi et évite une bonne fois pour toutes les dérives. L’interdiction de représenter le prophète et la répugnance qu’ont certaines ramifications de l’Islam à accepter la représentation des héros et héroïnes de son histoire procède directement du refus de l’idolâtrie, une réticence que nos protestants peuvent très bien comprendre. En outre, et même chez les Saoudiens personne n’interdit qu’on représente les hommes ou les femmes, sous forme de photos, d’affiches ou de films. Ce n’est donc pas tant d’une image humaine que l’on se méfie mais d’une image faite à la main. Et sans doute aussi d’une image faite pour durer, taillée dans le bois, la pierre ou peinte pour des siècles. Ma conviction c’est que l’Islam va limiter l’image mais, et sauf dans les cas les plus extrêmes d’intolérance, aussi rares ici qu’ailleurs, il ne va pas interdire aux dessinateurs, aux peintres et aux sculpteurs de créer leurs figures. A la condition qu’elles ne se prêtent pas à l’idolâtrie.
Restent donc les riches de la société comorienne, auxquels il faut donner le goût d’acheter des tableaux.
Evacuons tout de suite le problème posé par la pauvreté de la société comorienne. Sans doute mille euros représentent une somme considérable pour le comorien lambda, heureux qu’il est bien souvent s’il gagne cent euros par mois. Mais il existe une frange de la population qui n’hésitera pas à dépenser mille euros dans le dernier cri de Apple, et qui n’hésitera pas non plus à sortir un autre millier d’euros lorsque deux ans plus tard Apple poussera un autre dernier cri. Même chose bien évidemment avec les voitures neuves et cossues qu’on trouve encore assez souvent dans les rues défoncées des Comores. Même chose avec les fringues, avec les maisons… Et même chose avec les grands mariages, énormes, dispendieux, rituels, dont l’immense extravagance n’aura pour seul but que d’assurer au prodigue sa place dans la société. Plus grande et plus ostentatoire sera la munificence plus on écoutera le matamore dans les assemblées locales. S’il n’est pas bien né on ne l’entendra guère mais au moins il sera écouté. Plus vantard que ça tu meurs. Et c’est très exactement ce qui arrive à la société de Grande Comore où des sommes colossales sont volatilisées pour la seule construction d’ un prestige fugace et transformées ensuite en paroles,  air chaud dont les Comores n’ont pas plus besoin que la Suisse n’a besoin de montagnes.
Pour autant que je puisse en juger la vantardise est indiscutablement un élément culturel comorien. Et cette vantardise ne disparaitra pas puisque chacune des quatre Comores a la taille d’un village, que tout le monde connait tout le monde et que le regard des autres est un élément dont il faudra toujours tenir compte. Le rang dans la société, ce que les Anglais appellent « pecking order » est et sera toujours plus essentiel et plus visible qu’il ne l’est dans une métropole anonyme simplement parce que la taille des îles ne changera jamais. Cette vantardise dont on ne pourra jamais faire fi, comment peut-elle être mise au profit du plus grand nombre ?
« Facile » dit-il ! Il faut que les mentalités changent !
Et on s’y prend comment ? On prend des mesures ou on attend que le changement souhaité se produise ? Si l’on veut brutalement changer la culture c’est perdu d’avance. Les pires dictatures s’essaient toujours à changer la culture où elles exercent leur tyrannie et elles échouent toujours. Mais changer une tradition est beaucoup plus faisable. La question, en ce qui concerne les Comores est donc : « le grand mariage est-il une tradition ou est-ce un élément de culture fondamental ? »

Faire disparaitre le grand mariage est utopique. Et aussi dangereux comme le prouve l’assassinat de l’ancien président Ali Soilihi qui avait voulu imposer au grand mariage des restrictions beaucoup trop considérables. Sans doute avait-il aussi voulu imposer d’autres mesures révolutionnaires mais le grand mariage a été la mesure de trop. Modifier la distribution de la dépense devrait être un objectif plus accessible. Certains y pensent. Comme ces villages qui imposent au futur marié de verser à la communauté un pourcentage des sommes engagées pour épater la galerie, lequel pourcentage sera alors utilisé pour construire un bien commun. L’idée est excellente, on en conviendra et on peut la reformuler en disant que si vous voulez étonner la communauté dans laquelle vous vivez pourquoi ne pas investir dans la communauté dans laquelle vous vivez ? Plus vous investirez plus on dira du bien de vous ! La vantardise y trouvera ainsi son compte, tout comme le bien commun. Pourvu qu’elles profitent au public on pourra alors engager toutes les sommes que l’on veut, jusques et y compris, et pour revenir à un sujet qui nous préoccupe, dans les œuvres exécutées par des artisans soigneux, soucieux de la qualité et de la durabilité des objets qu’ils produisent. On aura ainsi, en une génération,  des bons tailleurs de pierre, d’excellents charpentiers, des dessinateurs renommés et plein d’autres excellents travailleurs dans toutes les matières, bref on aura des maîtres.






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