mardi 1 septembre 2015

J moins un





J moins un
Lundi 31 août 2015

Arrivée sans histoire ce matin à l’aéroport de Hahaya*. Arrivée sans davantage d’histoire à l’alliance française de Moroni, sur le coup des dix heures. Brève conversation avec son directeur qui me met au courant des heures d’ouverture de son fief et donc de mes heures de travail ; je commencerai à huit heures au plus tôt et finirai à 17 heures au plus tard. Il y a longtemps que je n’avais pas eu des horaires de bureau. J’ai sorti mon matériel de peinture et l’ai étalé sur une table roulante dans un cagibi où je remettrai le tout lorsque mes journées seront finies. Un peu d’adrénaline a commencé à circuler en préparant mes outils. J’ai ensuite passé la troisième et dernière couche d’enduit acrylique sur les quatre panneaux que j’avais commencé à préparer en juillet. Tout est prêt pour que demain matin (à huit heures) le vrai travail commence. Ca au moins c’est calé, et c’est tant mieux parce que le reste de la journée ne fut que contrariétés.
La maison tout d’abord, trop loin, trop vide, envahie par la poussière et les feuilles mortes, sans réserve d’eau, sans rien pour y cuisiner ou simplement s’y faire chauffer un café, sans une bassine pour se raser et sans un rideau aux fenêtres. Bonjour l’accueil ! Je ne m’attendais certes pas au tapis rouge à la descente de l’avion mais ç’aurait été sympa de me faire voir que j’étais attendu. Si je recevais un artiste dont j’estime le travail (c’est le directeur qui me l’a dit), si je le faisais venir pour me peindre huit mètres de mur, pour un prix dérisoire, je reviendrai très vite sur le sujet, et si l’artiste n’était plus tout jeune, il me semble que je veillerais à ce qu’il trouve dans sa « résidence », c’est comme ça qu’on dit dans les milieux culturels, de quoi boire, de quoi se laver et peut-être aussi de quoi assurer son premier dîner. J’ai eu l’impression d’avoir été négligé, traité sans égards et ça m’a rendu grognon tout le reste de l’après-midi. J’ai prévu quatre semaines de travail ici et si je ne veux pas que ma grogne m’empoisonne le séjour il va me falloir décider très vite si je reste dans cette maison ou si je vais loger ailleurs. Ailleurs signifie l’hôtel ; ce qui signifie une grosse dépense ; un bon millier d’euros à vue de nez. La maison quant à elle m’a été « trouvée » par le directeur de l’alliance et elle est donc gratuite mais il me faudra faire des courses (sans frigo), acheter le minimum pour cuisiner, bouteille de gaz, casserole, sel, poivre,  bassine pour me raser, me passer d’eau et d’électricité lorsqu’il y aura des délestages, c’est-à-dire tous les jours et de façon imprévisible, payer le taxi pour aller et venir et faire tout ça alors que j’en aurai plein les bottes d’avoir passé huit heures à monter et descendre de mon échafaudage. Allons, ça suffit. Ça va me coûter un bras mais dormir à l’hôtel et y prendre mon petit déjeuner me permettra de ne penser à rien d’autre qu’à mon travail le reste du temps et mon humeur y gagnera. Sinon je vais devenir con et ça va finir par se voir.
La fresque de l’AFM (alliance française de Moroni) va m’être payée 3000 euros. Trois mille euros pour dix semaines de travail. Six semaines de préparation à Mayotte pour arriver avec mes calques et quatre semaines ici pour tout reproduire sur les panneaux du mur. A quoi on ajoute le déplacement du peintre et de son matériel. Ça fait quand même pas bezef. Et la question qui vient tout de suite c’est pourquoi ?? Pourquoi avoir dit oui à une proposition comme celle là ? Lorsqu’il m’avait proposé ce travail, il y a un an de cela, le directeur de l’Alliance m’avait parlé d’un budget de 5000 euros, plus un logement à l’hôtel. Difficile de faire plus cossu. Mais la crise est passée par là et le ministère des affaires étrangères lui-même connait des difficultés de trésorerie, si si si. Ce qui fait qu’on est arrivés à 3000 euros sans hôtel. « Mais je vous ai trouvé une maison ! » me fut-il alors promis et on connait la suite. J’ai continué à dire oui parce que j’ai envie que mon travail soit vu aux Comores. Pour qui, pourquoi, je ne sais pas toujours clairement la ou les réponses à ces questions ; peut-être ce journal me permettra-t-il d’y voir plus clair. Mais j’ai envie qu’on voie mon travail et qu’on me voie travailler. C’est mon grain de folie à moi. C’est sans doute de cela que je vais le plus parler dans les semaines qui viennent.
Suffit pour aujourd’hui. Demain je commence le mur et je déménage. La journée sera bien remplie.


*Hahaya est le nom de la ville où se trouve l’aéroport de Ngazidja.

Aucun commentaire: