mardi 24 mars 2009

plaidoyer pour la non départementalisation de Mayotte 3ème partie


Baroud d'honneur 3ème partie


Egalité républicaine


La deuxième raison pour laquelle on conseille de voter OUI c’est que lorsque Mayotte sera enfin érigée au rang de département « pur et dur » rien ne distinguera plus les Français de Mayotte de ceux de métropole. C’est un argument essentiel des tenants du OUI que de souligner que Mayotte sera désormais l’égale de n’importe quel autre département républicain. Cette question de l’égalité est d’une grande importance pour les Français, beaucoup plus que pour les Anglais par exemple, et elle est considérable pour les Mahorais puisqu’en effet, si ces derniers demandent si souvent et avec tant d’insistance d’être traités en égal c’est bien parce qu’ils ont la certitude de n’avoir jamais été considérés comme tels, ni par les Comoriens ni par les wazungu. On aurait grand tort de ne voir là que caprice ou enfantillage puisque cette crainte de l’inégalité est constitutive de la psychologie mahoraise, que son installation remonte aux lointaines années de sujétion à leurs arrogants cousins, suivies des années de colonisation et de domination blanche, pas si lointaines que ça celles là, que cette crainte, qu’on appelle souvent « complexe d’infériorité » est devenue un archétype et que, comme tel, rien ne pourra plus le déloger de la psyché locale sauf à rompre avec le blanc, de façon définitive et pendant plusieurs générations. Nous n’en sommes pas encore là et il faut donc, pour les Mahorais, s’en accommoder. Etre traité de façon égale est une très bonne façon de faire taire cette crainte permanente et l’accès de Mayotte au rang de département « pur et dur » offre l’espoir, sinon la garantie d’être inscrit dans un espace républicain où le mot Egalité est un mot fondateur donc rassurant ; et si cela ne suffisait pas, sitôt que Mayotte sera département « pur et dur » les Mahorais auraient alors le droit d’exiger d’être traités en égal avec les métropolitains, ce que les Mahorais n’ont jamais fait jusque là et qui n’augure pas d’une harmonie apaisée entre les wazungu et les autochtones. Cet argument en faveur du OUI est un argument si fondamental qu’il ne peut absolument pas être écarté, et personne ne peut donner tort aux Mahorais, le métropolitain moins qu’aucun autre puisqu’il a, par sa longue domination et par l’usage intensif du vocable « égalité », créé et activement contribué à entretenir le terreau même des revendications qui s’annoncent.


Pour attirante et légitime qu’elle soit cette revendication d’égalité est pernicieuse pour deux raisons.

La première c’est qu’à force de réclamer l’égalité de traitement dans tous les domaines les Mahorais vont voir, voient déjà, peu à peu disparaître toutes les petites libertés qui façonnent leur vie depuis toujours sans pour autant avoir aucune chance de disposer de tous ces biens dont les « vrais » Français disposent. La justice cadiale, pour ne citer qu’elle, est devenue un archaïsme intempestif dont Mayotte doit se passer, reléguant l’enseignement de l’Islam au rang de coutume régionale et vaguement folklorique qu’on tolère mais dont on ne tient plus compte. On tolérera les Debba, on les encouragera même parce qu’il n’y a que des femmes, toutes pomponnées et parfumées et qui chantent bien en battant des mains et c’est si tellement authentique, si tellement vrai, si indubitablement folklorique qu’on les rassemblera bientôt dans un stade les jours d’escale de gros bateaux remplis de troisième âge cacochymes et libidineux, alors que dans les mêmes moments on demandera au Muezzin d’arrêter ses appels à la prière à quatre heures du matin parce que ce n’est pas républicain. Ce n’est plus d’égalité mais d’uniformisation qu’il faudra parler et lorsqu’il aura l’argent pour ce faire, ce qui n’est pas demain la veille, le Conseil Général fera venir à grands frais des plaques de faux marbre ou des dalles de grès reconstitué pour construire un centre piétonnier qui ressemblera à s’y méprendre aux plateaux piétonniers d’Angers de Valence ou de Trèves.
Désespérant.
En outre on ne saura jamais de quelle égalité on parle. Dieu a créé les hommes égaux entre eux mais, ainsi que le faisait remarquer Coluche, certains sont plus égaux que d’autres. Ainsi lorsque la pure et dure Mayotte sera l’égale de n’importe lequel des départements français de quel département sera-t-elle plus particulièrement l’égale ? Du Pas de Calais ou des Hauts de Seine ? Mamoudzou sera-t-elle l’égale de Neuilly ou celle de Gandrange ? Qui parierait sur Neuilly ?

La seconde raison de se méfier, plus insidieuse et plus destructrice c’est que celui qui passe son temps à réclamer l’égalité se maintient dans la position de demandeur, confirmant ainsi à son interlocuteur qu’il n’est pas son égal et les wazungu n’ont pas besoin de ça pour croire qu’ils sont supérieurs. Ils vont donc se trouver confortés dans leur position dominante, celle de ceux qui octroient, avec plus ou moins de bonne grâce, face à ceux qui quémandent, avec plus ou moins d’insistance. Si égalité il y a elle aura été accordée par le dominant, qui en attendra nécessairement de la gratitude. C’est pas gagné. D’un côté nous aurons les « je donne- t’es jamais content » et de l’autre les « je veux-y a jamais assez ». Déjà tendues et pas franchement satisfaisantes les relations entre les Mahorais et les wazungu vont devenir exécrables. On peut vivre avec, sans doute, mais on peut aussi essayer de ne pas envenimer les choses et même de tourner l’inégalité à notre profit. Ce qui est tout à fait possible.

Dans un couple, ou simplement dans n’importe quelle relation entre deux personnes celui qui a le vrai pouvoir c’est celui qui dispose du pouvoir de dire non. Celui qui dit oui acquiesce à une initiative qui vient de l’autre ; celui qui dit non impose qu’une autre initiative soit proposée. Si, comme tout le monde s’y attend, à Mamoudzou comme à Paris, Mayotte vote OUI elle n’aura plus qu’à attendre que le mzungu décide à quelle sauce et à quelle vitesse elle sera mangée. Le mzungu dira alors : » Bon, puisque vous avez dit OUI vous faites ce qu’on vous dit. » Si au contraire Mayotte votait NON la surprise serait totale et le mzungu n’imposerait plus mais demanderait. « Bon, nous sommes surpris mais c’est comme ça ; maintenant vous voulez quoi ? »
Alors, et alors seulement le Mahorais serait un peu plus l’égal du mzungu puisque son avis serait demandé !


A demain pour la quatrième partie

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