jeudi 31 juillet 2008

Où l'on voit ce qu'est un dilemme mahorais, où l'on voit aussi qu'il est désormais d'actualité, et où l'on parle à nouveau de départementalisation


Article 15







Il est quinze heures et sur le terrain du stade, juste de l’autre côté d’un de mes murs, un enfant hurle. Pas un long hurlement de souffrance comme le serait celui d’un enfant piqué par une scolopendre, pas un hurlement de colère comme ceux de la petite voisine lorsqu’elle n’obtient pas ce qu’elle veut, pas un long et aigu hurlement de terreur comme on en entend à la télévision, non, un hurlement à hoquets, à saccades, à staccatos, à respirations profondes et haletantes, avec de longs espaces de temps à autre, espaces si longs qu’on se demande si tout ne s’est pas brutalement arrêté, si le hurlement n’était pas l’effet d’un hasard, avant qu’un autre cri ne jaillisse, plus fort plus strident plus insupportable que le précédent. Un cri d’enfant que l’on bat. Et pas qu’une fois. Excédé, inquiet, presqu’en colère, je monte sur le parpaing placé là qui me permet de voir les joueurs de foot en liesse après un but marqué, les lavandières des samedis et dimanches matin, les jeunes gens qui fanfaronnent devant les jeunes filles qui minaudent, les chèvres qui broutent et les enfants battus. Jamais encore je n’avais été attiré par ce genre de cri. J’avais entendu les hurlements du stade, des invectives, des injures, des borborygmes de saoulards qui auraient mieux fait de se taire et d’aller dormir, des cris d’enfants ayant perdu leurs sœurs, leurs frères, leur ballon ou tout ça à la fois, mais jamais encore de cris d’enfant battu. Ils sont là, à dix mètres, juste en bas de la butte, un adulte de vingt-cinq-vingt six ans, qui tient serré dans la main droite le poignet d’un garçon de sept ou huit ans, et qui agite férocement une badine ou un brin d’herbe folle dans sa main gauche, devant trois autres enfants plutôt goguenards, dont la sœur aînée qui fait la leçon à son petit frère, façon schtroumf à lunettes, qui le tance, le sermonne et encourage l’adulte frappeur, lequel, renseignements pris, est l’oncle du gamin, ou son cousin, ou son demi frère, ou le frère du cousin du deuxième mari de la tante de sa mère, bref, quelqu’un de la famille.
Je fais quoi moi ? Je téléphone à la DASS ? Au commissariat ? A la Cour européenne des Droits de l’Homme ? A François Bayrou ? A Brigitte Bardot ??
Je suis très embêté tandis que s’installe le dilemme dont je parlais plus haut. Mon café est prêt, mon travail m’attend et je HAIS le spectacle d’un enfant frappé et les hurlements qui vont avec. Je m’en sors comment ?
A partir de là il nous faut moduler. Battre un enfant c’est non ; le corriger c’est oui. La différence entre battre et corriger n’est pas si difficile à faire. Corriger c’est claquer une fois, deux à la rigueur, et battre c’est corriger plus souvent, très souvent, plus souvent en tout cas qu’il n’est nécessaire de le faire pour corriger un enfant, lequel, s’il est corrigé tôt et fermement s’adaptera tôt et évitera les claques.
Du haut de mon parpaing je vois l’adulte qui lève à nouveau le bras, le petit qui se recroqueville et hurle de plus belle, la grande sœur qui admoneste, les frères et cousins qui se marrent, puis le gamin s’échappe, tout le monde court après, je ne vois plus rien et le paisible brouhaha de la vie quotidienne enveloppe le quartier comme avant et je peux me remettre à travailler.
C’était avant-hier.
Aujourd’hui ça recommence. Selon mes critères l’enfant cesse d’être corrigé pour devenir un enfant battu et toute mon harmonie si chèrement acquise et si égoïstement défendue s’écroule. Je téléphone à la DASS ? A Sandragon ? Etc. etc.
Pour commencer je me renseigne, et j’apprends alors simultanément trois choses. La première c’est que le gamin est corrigé avec l’accord plein et entier de sa mère, laquelle aurait administré les verges elle-même si elle avait été là, et si son embonpoint lui laissait la vitesse suffisante pour attraper le lascar. On ne parle pas du père, qui n’habite pas loin mais qui n’est là que pour les cérémonies religieuses, et qui au demeurant n’a pas besoin d’être là puisque la mère y est. La deuxième chose qu’on m’apprend c’est que le môme hurle sitôt qu’il voit qu’on va le battre, ce qui n’est pas rare chez les enfants, et c’est vrai qu’il n’a aucune marque ni sur les jambes ni sur la figure. Et la troisième chose c’est qu’il est persécuté parce qu’il ne veut pas aller à l’école coranique, et là, franchement, devant toutes ces réponses, ma question fondamentale a cessé d’être « que dois-je faire ? » pour devenir « dois-je faire quoi que ce soit ? »
Car après tout je suis qui pour intervenir, donner des conseils ou simplement exprimer mes états d’âme ? Je ne suis ni de la même famille ni de la même religion. Je n’ai aucune autorité pour dire quoi que ce soit et m’y essaierais-je que le voisinage tout entier me dirait que ce qui me reste à faire c’est de continuer à barbouiller mes couleurs en ne m’occupant de rien, sous peine, vraisemblablement d’avoir mes pneus crevés.
Et cela au moment même où les législateurs de la République, le Conseil d’Etat trottinant à leur suite, envisagent d’interdire le port de la burqua.
Première question (il y en aura d'autres): peut-on, dans cent départements de la République, interdire le port de la burqua et autoriser la flagellation, même légère, d'enfants qui ne veulent pas se rendre à l'école coranique dans le supposé futur cent unième département?
Doit-on, à Mayotte, laisser les mères autoriser le premier tuteur venu à frapper leurs enfants? Doit-on, et selon quelles justifications, interdire le port de la burqua? Ne pourrait-on fouetter les hommes qui imposent le port de la burqua à leur femme? Ne pourrait-on fouetter les mères qui imposent le port de la burqua à leurs filles? Ou celles qui imposent à leurs fils d'imposer le port de la burqua à leurs femmes? Ne pourrait-on fouetter les fouetteurs d'enfants qui ne veulent pas se rendre à l'école coranique?
Tant que ces questions se poseront, Mayotte sera-t-elle "départementalisable"?

mardi 29 juillet 2008

dimanche 27 juillet 2008

samedi 26 juillet 2008


L'ordre dans lequel je fais mes dessins est toujours du plus foncé au plus clair. Dans une scène où on aura cinquante personnages je ne commencerai pas forcément par placer le personnage le plus sombre mais je commencerai chaque personnage par sa partie la plus foncée. Ici, avec la barge, le tableau a déjà été fait en couleur, et il s'agit d'une reprise que je veux en noir et blanc, mais je la veux au final le plus lumineux possible. Je compte donc "caler" mon dessin, avec tous les personnages et un maximum de détails, pour ensuite travailler sur le tableau dans son ensemble et arriver vers la lumière, laquelle est non seulement une des caractéristiques principales de Mayotte (plus, à mon avis, que la couleur) mais aussi ma recherche prioritaire, constitutive pourrait-on dire. Ce dessin sera un grand dessin; 2,50m x 1,25m. Il faut s'appeler Rubens pour pouvoir travailler sur un tel format d'un seul jet, dessin, lumière et couleurs tout compris. "La kermesse" qui se trouve au Louvre fait à peu près la même taille et s'il faut en croire la facture présentée à son client Rubens l'a exécutée en deux jours, et n'y est jamais revenu, ce qui explique son extraordinaire état de conservation. Pour les simples mortels que nous sommes il convient de diviser le travail, et poser mon dessin me permettra de le manipuler ensuite, voire de le colorer, sans risquer de le perdre. L'ordre dans lequel je vais maintenant placer mes personnages est tout à fait aléatoire et répond à des exigences de composition, c'est à dire irrationnelles.

Histoire à suivre donc, et on verra bien où ça nous mène...

jeudi 24 juillet 2008

Jego t'es trop


Titre du "Mahorais" de cette semaine: " Jego défavorable" à la départementalisation de Mayotte.
Enfin une bonne nouvelle! Raison invoquée: "ce ne serait pas dans l'intérêt de Mayotte"; Possible; mais ce serait encore moins dans les intérêts de la France, qui n'en tirerait aucun profit mais que des emmerdements au contraire. De toutes façons en métropole personne n'envisage sérieusement que Mayotte soit un département à part entière. "Un département pur et dur", ainsi que le revendiquait le député local. C'est quoi un département "pur et dur". Plus département que la Corse? Ça va saigner. Les métropolitains se partagent en deux camps; ceux qui ignorent complètement où se trouvent Mayotte et les Comores ( 98% de la population), et ceux qui savent que Mayotte se trouve à côté des Antilles (1%). Le 1 % qui reste se compose des anciens coopérants et de ceux qui travaillent au gouvernement, lesquels savent où se trouve Mayotte, se fichent complètement de son sort et ne veulent pas entendre parler d'un département "pur et dur" qui amènerait dans le giron de la république 160 000 noirs musulmans d'un coup, plus leurs sœurs frères, cousins cousines, et autres consanguins habitant à 70 km de là et ne rêvant que de partager la récente et éphémère richesse qui est le lot de la Comore du Sud. Bientôt, selon toute vraisemblance et selon la logique inhérente à ce genre de situation, conscients qu'ils seront de ne pouvoir profiter de l'aisance dont bénéficie Mayotte, il chercheront à l'en priver. Chaud devant.

Pas un rapport favorable à la départementalisation n'a jamais atterri sur le bureau des ministres successifs; tous au contraire ont souligné l'incompatibilité fondamentale entre Mayotte et la République, incompatibilité reposant sur quatre points, toujours les mêmes, à savoir l'immigration sauvage, la religion, le statut de la femme et le sens de l'Etat. Le dernier rapport en date, celui de la commission parlementaire venue l'année dernière préparer l'installation de la sécurité sociale, rapport privé mais dont les dirigeants de la DASS ont pris connaissance, ne dit pas autre chose.

Mayotte est française, et elle est inscrite dans la Constitution. C'est déjà pas mal. Et même inespéré. Bien avant la consultation prévue pour l'année prochaine, je prends date et je prévois que: les termes de la question posée seront suffisamment ambigus pour que la départementalisation ne soit même pas un fantasme crédible et je parie que Mayotte ne sera PAS département. Et c'est très bien comme ça. On aura sans doute quelque chose comme "oui, puisque vous l'avez voulu, Mayotte sera département, dans un siècle, Inch'Allah." Le Medef local va hurler à la mort et annoncer le tsunami final, mais quel poids a-t-il ce petit medef local? Les gros patrons de l'Algérie n'ont pas réussi à éviter l'indépendance alors vous pensez bien que ce ne sont pas deux ou trois petits joueurs de golf en colère qui vont influencer quoi que ce soit. Moi, si j'étais mahorais, je continuerais à entretenir mes réseaux comoriens.

Dès la prochaine fois, c'est promis, on reparle peinture. Ou dessin; ou art en général. En attendant, en pièce jointe, une deuxième photo de la barge à venir.

samedi 19 juillet 2008

Décidément je supporte très mal aujourd'hui qu'on me parle de Mayotte pendant trop longtemps. "Accablement" est le mot qui convient. A côté d'une kyrielle de névroses il y a les névroses d'angoisse, je sais ce qu'est l'angoisse. Il y a les névroses obsessionnelles; je sais ce que c'est que d'être obsédé. Au moins de temps en temps. Et dans mon cas, lorsqu'on me parle de Mayotte aujourd'hui il se produit une névrose d'accablement. C'est très net. Envie de me coucher, de tout éteindre, de tout fermer, de ne plus rien dire et de ne plus rien entendre, même de loin, de chercher à dormir, et de ne plus bouger, surtout de ne plus bouger. Aujourd'hui, quand on me parle de Mayotte pendant trop longtemps, il arrive toujours un moment où j'ai envie de dormir.

Il n'y a pas que Mayotte qui m'accable. Les trois autres Comores aussi, pour lesquelles rien ne va, après que rien ne fût jamais allé. Je suis également très souvent accablé lorsque je lis le Monde Diplomatique pour lequel rien ne va et ce n'est pas demain que ça va s'arranger. M'accable aussi ce qui est très méchant (on en voit fort peu) ou ce qui est très bête (plus courant).M'accablent enfin toutes les mesures que les Puissants prennent pour ma sécurité. Voilà donc bien ses sources d'accablement mais toutes ne se manifestent pas de la même manière.
Le Monde diplomatique m'accable mais son inluence s'arrête à ce qui est en train de cuire au moment où je le lis. Si le dîner est prêt je cesse alors de penser au Darfour ou au Béloutchistan.
Les trois autres Comores m'accablent mais pas au point de ne plus vouloir bouger.
Avec Mayotte je suis VRAIMENT accablé. Ce que je lis et entend sur Mayotte en ce moment se partage en deux; les propos qui me donnent envie de dormir sans beaucoup bouger, et ceux qui me donnent envie de hurler avant de m'accabler de toutes façons. La Creuse ne me fait pas le même effet.

Pourtant les sujets de se réjouir ne manquent pas. Les enjeux majeurs de la départementalisation qui s'approche, les vastes possibilités offertes par y-celle, la manne qui ne peut manquer de tomber, par Canadairs complets, sur tous ces fronts levés et ces regards radieux! c'est écrit! tous les juristes vous le diront. Et les journalistes le confirmeront puisque "Le Mahorais" titrait cette semaine:"Rien sans le département!" Bref l'avenir est au beau fixe et je suis accablé.
Ce ne fut pas toujours ainsi, et la saison n'est pas propice. Deux circonstances agravantes.

Ce ne fut pas toujours ainsi parce qu'il y a quinze ans que je réside à Mayotte et il y a quinze ans, si on entendait parler d'une départementalisation vaguement probable, rien n'était imminent. On savait qu'il arriverait un jour où la question serait posée de savoir si Mayotte serait un département comme tous les autres départements de France, comme la Creuse par exemple, ou les Hauts de Seine, mais on ne connaissait pas les termes de la question (on ne les connait d'ailleurs toujours pas), et on ne savait pas quand la question serait posée. C'est pour 2009, 2010 au plus tard. Donc pour demain. Nous ne sommes plus il y a quinze ans.

La saison n'est pas propice non plus puisque le 14 juillet c'était hier et qu'à la suite de tous ces cortèges et toutes ces parades, dans la vague des rituels et la mouvance des discours se sont manifestés tous ces élans patriotiques et ces serments de fidélité à une magnanime et nourrissante République, tous signes d'allégeance auxquels je ne crois ni peu ni prou.

Et ça, ça m'accable parce que si je vis dans un département c'est comme si je vivais en France, et je n'ai pas envie de vivre en France. Pour trois raisons principales. La première c'est que j'aime habiter dans des endroits où il fait chaud tout le temps. Sont donc exclus le Jura, les Ardennes, la Creuse et 99 % de la surface de l'hexagone. Je veux aussi être entouré de peaux noires. Ne sont pas considérées comme peaux noires celles qui sont couvertes par un anorak et un passe-montagne. Et enfin j'aime bien habiter un endroit où c'est un peu le bazar, où tout n'est pas codifié et complexe à faire le bonheur des juristes, où je peux faire réparer ma voiture par un mécanicien qui bricole, où les rues ne sont peut-être pas rigoureusement propres mais où les enfants y jouent, où l'on trouve encore des camarons(grosses crevettes d'eau douce) dans des rivières ou ruisselets où les femmes font aussi leur lessive, etc etc.

Mais voilà, on nous dit que Mayotte sera très bientôt un département, puisque sa population l'exige, et ce que peuple veut, n'est-ce pas, c'est un peu comme ce que femme veut, c'est Dieu qui le veut et qui sommes-nous pour discuter; et s'il faut en croire les gens qui m'entourent et ceux qui écrivent dans les journaux, c'est dans l'ordre des choses, c'est le progrès,c'est la vie, on n'y peut rien et c'est comme ça.

C'est pas accablant ça??


Après la toile blanche voici le début du dessin. Il s'agit d'une copie en noir et blanc d'un tableau déjà effectué. On commence naturellement par les parties les plus sombres. Histoire à suivre


samedi 12 juillet 2008


Oui, Olivier et Hélène ont parfaitement raison; l'image de larticle précédent était une photo de de la toile blanche, sur laquelle on va, non pas peindre, mais dessiner. Histoire à suivre, donc.

Mais pour l'instant place à la fureur qui m'étreint; on parlera d'art plus tard.

Scandaleux!

Dans son dernier numéro, Mayotte hebdo propose à ses lecteurs avides de lecture de vacances deux pleines pages consacrées à l'enfer que vivent au quotidien nos voisins comoriens. Arrestations arbitraires et tortures routinières à Ndzuani (Anjouan); même sur la personne d'un brave Mahorais qui passait par là, employé d'hôpital. S'il avait travaillé aux impôts encore, on aurait compris. Mais un employé d'hôpital! Pire qu'à Gantanamo! Et c'est vérifiable puisque c'est écrit dans Mayotte hebdo.
A Ngazidja (Grande Comore), c'est du pareil au même. Voyez les pêcheurs par exemple; pauvres parmi les pauvres et humbles parmi les humbles (Jésus était l'un d'eux); qui nourrissent tout le monde avec leur dur et risqué labeur. S'occupe-t-on de ces bienfaiteurs de la Nation? Vous voulez rire! L'Etat s'en fout! Littéralement. Et ce n'est pas faute d'avoir alerté les ministres concernés. Et pas de revendications hein, sinon hop! Au gnouf. Avec torture. A Ngazidja en outre on balance systématiquement l'argent par les fenêtres, sans doute l'argent que leur a donné la France, pour faire des Grands mariages, lesquelles coûtent des fortunes, aliènent les femmes et promeuvent les vantards. Feraient mieux d'acheter du poisson.

Et pas un mot sur Mwali !(Mohéli, la plus petite des Comores) Il ne s'y passe donc rien??? C'est quoi ce traitement de faveur?? C'est proprement scandaleux! Et dangereux avec ça! Parce qu'à la lecture d'un article si honteusement amputé le Mzungu moyen, celui qui lit et trouve ses informations dans Mayotte hebdo, le Mzungu moyen donc, pourrait croire que Mwali, pourtant comorienne, est une sorte de sanctuaire ou l'on ne trouve ni gabegie, ni prévarication, ni abus de pouvoir, ni détournements de fonds, ni torture, ni sévices, ni violences, ni trafics d'influence, ni viols, ni exactions d'aucune sorte, bref on pourrait croire que Mwali ressemble à Mayotte!!! Si c'est pas dangereux ça! Il faut arrêter tout de suite et offrir dès la rentrée aux wazungu qui arrivent un erratum définitif. Mwali DOIT être conspuée! C'est une question de vie ou de mort. Sinon on en viendra un jour à traiter les Mohéliens comme des clandestins "acceptables".

Dieu nous garde de telles divagations.

vendredi 4 juillet 2008

féminisme et matriarcat





en illustration: études pour la lessive de femmes fières et chaloupées.

Lu dans "Le Mahorais" de cette semaine.

Je cite: "Mon indice d'optimisme se résume à quelque chose de très simple: il suffit que je regarde la démarche des femmes mahoraises, le front haut, le menton relevé, fier, le regard fixé sur l'horizon comme pour y cerner l'avenir de leurs enfants. Elles voient loin, très loin et pourtant leur pas demeure africain, calme, serein, chaloupé, ce qui me fait dire et penser que notre société n'est pas menacée par la modernité."

Ces propos un peu niais ont été livrés par un départementaliste pur et dur qui croit que l'avenir de Mayotte sera plus radieux si la Comore du Sud devient un département. Un départementaliste inspiré par la démarche des femmes de Mayotte donc, qui a milité, qui a même été député, un des tout premiers, à une époque où personne ici ne savait comment ça s'écrivait. Un Mzungu, et la remarque a son intérêt puisque pas un Mahorais ne verrait un quelconque espoir de s'enrichir à partir du regard de ses femmes fixé loin sur la ligne bleue du lagon ou sur la chaloupinante façon dont elles se déplacent.

A très peu de choses près j'aurais pu dire la même chose. A la place de "mon indice d'optimisme" j'aurais dit, quant à moi, "mon indice de pessimisme", et tout le reste aurait été pareil, persuadé que je suis que les différences culturelles fondamentales sont souvent intéressantes, parfois enrichissantes, mais TOUJOURS inaliénables. Curieux tout de même ces façons opposées de lire le quotidien. Je vois tous les jours les mêmes femmes que ce pontifiant juriste, je vois tout comme lui comment elles se déplacent, drapées dans leurs voiles, majestueuses, lourdes et imposantes comme des vaisseaux de ligne. Comme je vais sans doute faire mon marché plus souvent que lui je vois comment ces commères regardent le chaland qui passe, les yeux regardant loin, très loin en direction du chaland suivant et de son pouvoir d'achat. Je les vois, ces mêmes commères, qui traînent, littéralement, leurs enfants à l'école, les yeux toujours fixés sur quelqu'horizon lointain et pour toujours inaccessible, insensibles aux pleurs et aux angoisses de leur progéniture.
Insensibles? Sans doute que non. Certainement pas probablement, mais ici la sensibilité ne se dit pas; elle ne se fait pas voir; elle ne s'exprime pas. C'est une preuve d'éducation laxiste et relâchée. Ça ne se fait pas. Pas de ça ici. Pas dans ce futur département qu'est Mayotte. Et c'est la même chose dans les autres Comores. C'est comme ça. Denam'neyo. Ici un enfant n'appartient pas à sa mère mais à toutes les mères de la famille élargie. C'est une voisine qui me l'a dit, et ne me l'aurait-elle pas dit que j'aurais pu le deviner à leur façon d'agir. L'enfant passe d'une mère à l'autre sans que quiconque, et l'enfant moins que personne n'y trouve à redire. Ça dure depuis longtemps, et ce n'est pas près de s'arrêter. Ah que voilà un bel "indice d'optimisme" pour la départementalisation à venir.
C'est qu'elles sont dures nos Mahoraises au regard chaloupé. "Les femmes les plus têtues auxquelles j'ai jamais eu à faire", dixit une sage femme de Médecin du Monde, travaillant en brousse, qui en avait pourtant connu des têtes de lard dans ses pérégrinations professionnelles. Plus dures que les Palestiniennes, plus dures que les Kurdes, plus dures que les Afghanes, plus dures que les Meusiennes, oui! plus dures que les Meusiennes! On est dans le dur de chez dur.

Bien naturellement les Mahoraises ne sont ni plus ni moins dures que nos Meusiennes à nous, mais elles ne vont pas montrer leur plaisir; ça ne se fait pas. Elles ne manifesteront pas non plus leur affection; ça ne se fait pas non plus. Ni ne consoleront un enfant en public, ni ne tiendront la main de leur amoureux; que dirait-on d'elles?! Elles ne courront pas ni ne marcheront vite, parce que marcher vite n'est pas digne d'une femme. Et rien n'est plus codifié que le port de tête. On ne doit pas la tenir à deux mains, ni même s'y appuyer sur une main, on ne doit pas la tourner brusquement, surtout si on vous parle, on ne doit pas marcher les yeux baissés, on ne doit pas on ne doit pas on ne doit pas... sous peine d'être marquée, commentée et jugée. Alors, aliénées nos consœurs? Conditionnées, oui, "culturalisées" bien sur, mais "aliénées"??? J'ai soixante ans bientôt, ce qui n'est plus tout jeune mais pas si vieux, et je me souviens de ma mère qui ne serait JAMAIS sortie sans se couvrir la tête d'une pointe d'étoffe. Si aliénation il y a elle est partagée par tout sujet de culture. C'est un peu trop pour qu'on parle d'aliénation.

Nos Mahoraises sont aliénées nous disent les wazungu; soit. Mais qui donc les aliènent? Les hommes? Ceux là dont les mêmes wazungu bien pensant nous disent qu'ils ne sont pas assez présents à la maison. Ces "aliénations" sont d'ordre culturel, et sont donc imposées par les mères. Une chose que les wazungu oublient, et qu'ils oublient d'autant plus volontiers que la réalité bouscule leur sens du politiquement correct, une chose qu'ils oublient donc, c'est qu'aux Comores nous ne sommes pas dans quelque femme-ilistère à la Fourier mais dans une société de type matriarcal, et ce ne sont pas "les femmes leader de la vie mahoraise" qui me contrediront. C'est à dire une société où la femme a peu de droits mais où la mère les a tous. Parler sous ces latitudes de l'aliénation de la femme est une stupidité tant qu'on n'aura pas pris en compte la toute puissance de la mère africaine. Et ici on n'est pas en Meuse ni dans un quelconque département français. Serait-on dans le 101ème département qu'on serait encore et toujours en Afrique. Les différences sont culturelles, et donc à ce titre irréconciliables, et c'est très bien comme ça. L'Occidental se préoccupe de la femme tandis que l'Africain ne jure que par la mère.
Eu égard à l'histoire et à la nouveauté que représente le féminisme, dans une société dont la richesse et la puissance sont elles aussi nouvelles et somme toute fort peu représentatives du reste du globe, j'incline à penser que les valeurs matriarcales des Africains sont un élément plus sur, et surtout plus fondateur que nos lubies féministes, lesquelles procèdent vraisemblablement de nos peurs de "Big Mother" et ne peuvent s'exprimer que parce que nous sommes riches. Que l'Occident redevienne pauvre, et ça nous pend au nez, et la femme disparaîtra pour laisser à nouveau la place à la mère.

Mais voilà; nous sommes tout puissants et avons donc la fâcheuse tendance à croire que nos rêves correspondent aux besoins du reste des hommes, et on en arrive à dire des bêtises comme celles énoncées par notre suffisant satrape, ou par ce lunembul, lecteur de mon blog, qui ne me connait pas, ne m'a jamais vu ni entendu, qui ne sait rien de moi mais qui n'est pas gêné le moins du monde pour me traiter d'irrécupérable. Un enseignant je parie.

Bon, c'est comme ça. Denam'neyo

Et puisque je n'ai pas eu de réponse intelligente à ma dernière question, je la pose à nouveau: "quel commentaire les Mahoraises font elles à propos de mon tableau "la lessive"?

mercredi 2 juillet 2008

commentaire des commentaires




En pièces jointes, quelques études pour la Cène féminine



Une image de femme faisant la lessive est une image "dégradante".
Les hommes au Vulé, les femmes à la lessive; déjà mon cas est grave.
La lessive présentée comme un aimable passe-temps, voire un loisir; mon cas s'aggrave encore. Fichtre!
Je suis donc macho.
Rubens n'était pas macho, lui dont les femmes, aussi replètes que nos Mahoraises, n'ont jamais tenu autre chose qu'un peigne en tortue ou l'écume des vagues. Ni Fragonard, ni Poussin, et encore moins Boucher. Leurs femmes sont souvent ensemble à la rivière, et moins habillées qu'à Mayotte, mais elles ne s'y lavent que les pieds tandis que les jeunes et beaux chasseurs du second plan veillent sur leur pudeur en attendant que vienne leur tour de tenir la serviette.
Degas était un vrai macho. Des repasseuses! Et des bateaux lavoirs! Et Millet donc, qui représentait ses femmes courbées vers une glèbe ingrate, quelques maigres tiges de blé avidement serrées dans des mains flétries, par les lessives justement. Et Marcel également, mais dans cinquante ans qui se souciera de savoir si Marcel était ou non le macho que l'on dit?
Qu'un homme défriche une forêt en s'essuyant le front, ou qu'il rabote un parquet avec d'autres raboteurs voilà chose normale, non dégradante et donc "représentable". Qu'une femme transpire en repassant ou qu'elle lave son linge à la rivière, voilà qui est dégradant et peu représentable. Bizarre.

Observations.

Je suis à Mayotte depuis quinze ans, et j'ai maintes fois vu et entendu des femmes lavant leur linge à la rivière. Plusieurs fois en outre j'ai fait des études de rivière, au moment où des femmes s'y trouvaient.
Je les ai toujours entendues rire plus que pleurer.
Je les ai toujours vues plus joyeuses que tristes, plus exubérantes qu'abattues.
Je connais des femmes qui ont une machine à laver mais qui vont laver leur linge à la rivière. J'y emmène ma voisine quelques fois, et c'est moi qui me sert de sa machine à laver.
J'ai vu des femmes arriver à la rivière au volant de leur Laguna ou de leur Mondeo, en sortir les paniers, et remettre leur linge une fois sec dans le coffre avant de rentrer à la maison. Les lavandières n'ont pas toutes une Laguna; certaines ont des Clio pourries ou des 205 hors d'âge, mais celles qui possèdent une Laguna ont les moyens de s'offrir plusieurs machines à laver.
Faut-il le rappeler, faire la lessive à la rivière à Mayotte n'est pas la même chose que faire la lessive en Creuse. Surtout en décembre.
Faire la lessive à plusieurs, dont on a bien souvent choisi la compagnie, n'est pas non plus la même chose que frotter seule chez soi.
Enfin ce sont les femmes blanches qui trouvent que la lessive n'est pas la meilleure façon de représenter la femme. Les Mahoraises elles font d'autres commentaires.

De tout cela je conclus:
- que laver son linge à la rivière n'est pas plus dégradant que tenir une caisse à Jumbo ou être secrétaire d'état sous Kouchner. Et peut-être l'est-ce moins puisque l'on ne travaille pas pour quelqu'un d'autre mais pour soi.
- Que les Occidentaux projettent partout où ils se trouvent une image de la femme qui correspond à leurs craintes ou à leurs fantasmes, mais rarement aux réalités des environnements dans lesquels ils se meuvent.
- que si l'orthodoxie est l'autorité qui compte, alors la femme ne pourra plus être représentée que de deux façons; soit au boulot, mais attention hein! pas n'importe quel boulot; ministre, avocate, générale, candidate au Panthéon, et tout ça sans rire, saperlipopette, parce que rien n'est plus sérieux que le travail d'une femme. Ou alors nue et alanguie, récitant de la poésie ou jouant du luth, sans, bien sur, que l'on ne voie jamais le trou de son luth, ce qui serait incontestablement dégradant.

Le Vulé est trop viril, et la lessive trop vile. Ces remarques ont été proférées par des femmes. Des femmes wazungu; autrement dit des occidentales. Les Mahoraises ne sont sans doute pas suffisamment libérées pour apprécier comme il se doit l'aliénation dans laquelle je les maintiens et dans laquelle je tente de les faire rentrer dans l'Histoire.

Et que disent-elles de "la lessive" ces Mahoraises quin nous entourent? Personne n'a encore trouvé.

mardi 1 juillet 2008

Cène féminine


Et là, il n'y a que des femmes. La grosse critique de ma Cène masculine fut, on l'a vu, qu'il n'y avait que des hommes. Horreur des horreurs! Pour mon deuxième grand format (2,50m x 1,80m) je décidai de ne mettre que des femmes, ce qui était facile puisque je voulais une scène de lessive à la rivière et que les femmes tolèrent mal la présence d'hommes pendant qu'elles lavent leur linge, les fesses dans l'eau, les seins à l'air bien souvent, les mômes pas loin, échangeant les derniers potins et les dernières idées politiques avec les copines, les voisines ou les cousines. Le mâle ne sera admis que tôt le matin, lorsqu'il gare la voiture près de la rivière pour libérer ces dames et leur linge sale, ou en début d'après midi pour ramener le tout à la maison.

Question: quelle fut la critique la plus souvent entendue sur ce tableau?
Nuançons. Quelle est la critique la plus souvent émise par les métropolitains, et surtout par les métropolitaines? (quand il y a plein de femmes les métropolitains trouvent toujours ça très bien)
Quelle est la critique la plus souvent émise par les femmes de Mayotte en face de ce tableau?

Il n'y a rien à gagner mais ceux (celles) qui essaieront de trouver les réponses me feront un grand plaisir.