mercredi 25 mars 2009

Plaidoyer pour la non départementalisation de Mayotte 4ème et dernière partie



Quatrième partie du dernier baroud

Après, on se tait


Liberté républicaine



La troisième raison pour laquelle un OUI serait intéressant c’est qu’en ancrant de façon aussi irrévocable Mayotte dans la trame républicaine on la sépare, de façon tout aussi irrévocable de ses caractériels cousins et insolents voisins, et là encore l’argument n’est pas mince puisque ce fut très exactement le premier argument qui conduisit Mayotte, en 1974, à refuser l’indépendance. « Nous voulons être français parce que nous voulons être libres ! » Libres des Comoriens bien évidemment. Que peut-on bien trouver à y répondre ? Il n’existe pas cinquante façons de se libérer d’un despote ; on peut le maintenir à distance et ne plus rien avoir à faire avec lui ; on peut s’en différencier au point que ses prétentions deviennent ridicules et donc inaudibles. De ce fait, et par essence pourrait-on dire, l’accès au statut de département va avoir l’immense avantage de signifier aux Tartarins d’à côté qu’à partir de maintenant ils ne s’adressent plus à des descendants de leurs serfs mais à des Français libres et égaux en droit, que toute revendication sur Mayotte est assimilable à une insulte faite à un état souverain, que tout acte malveillant peut être considéré comme une agression, voire un casus belli et qu’ici on s’attend en toute logique à ce que le président du Conseil Général, s’il se déplace à Moroni, soit reçu avec les égards et la pompe dus à un ambassadeur. Avant c’étaient eux qui se la pétaient ; maintenant c’est Mayotte qui biche. Chacun son tour et c’est très bien comme ça. Les wazungu ont même un proverbe pour illustrer le phénomène, où l’on parle d’assiette au beurre qui passe pour tout le monde. Eh bien l’assiette au beurre, en ce moment, elle est devant Mayotte. A bon entendeur ! Le temps passé est bel et bien passé, une page est définitivement tournée, il n’est pas question de revenir là-dessus et jamais, vous entendez, JAMAIS Mayotte ne reviendra dans les Comores !
A quoi le Sage répond que dès qu’on parle d’avenir il ne faut jamais dire jamais ; à moins bien sur d’ajouter « Inch’Allah », ce que les plus dévots des défenseurs du OUI oublient toujours de faire.

« Il est très difficile de prévoir quoi que ce soit, et surtout l’avenir » disait Oscar Wilde et il avait bien raison. L’avenir est en effet plein de surprises et ce n’est pas être fou que d’envisager toutes les hypothèses possibles et préparer ainsi, pour ses enfants, un monde où ils pourront vivre libres et en paix. Nos anciens ont choisi la France parce qu’ils voulaient rester libres. Mayotte est française, elle restera donc libre. Le statut de département amènera des contraintes nouvelles mais ne fournira aucune garantie supplémentaire. L’Algérie était constituée de quatorze ou seize départements jusqu’aux accords d’Evian. A la suite desquels les départements ont disparu laissant deux millions de pieds noirs battant de l’aile et claquant du bec sans que leur détresse n’émeuve quiconque ni ne change quoi que ce soit. Si, pour des raisons qui sont les siennes la France utilisait son droit du plus fort, et décidait d’abandonner Mayotte personne n’y pourrait rien et de plus la communauté internationale l’y encouragerait. Peut-être même trouverait-on sa décision « courageuse ». Ce que le dominant a fait il peut le défaire. Si, ce qu’à Dieu ne plaise, la Raison d’Etat voulait que soit sacrifié un petit peuple lointain et exogène alors le petit peuple lointain et exogène serait sans état d’âme sacrifié à la Raison d’Etat. Il n’y a aucun doute à avoir la dessus. La liberté si chère au cœur de nos mamans mahoraises dépend du bon vouloir du Prince et ne sera garantie que tant que le voudra le Prince.

Ayant proposé à Mayotte un choix possible entre le OUI et le NON, la République envisage donc chacune des réponses comme étant acceptable et c’est donc déjà un gage de liberté. Puisque la République veut vraiment que Mayotte soit libre alors elle acceptera que Mayotte puisse disposer d’une autonomie que la soumission aveugle et muette aux diktats républicains ne lui autorisera pas. Il ne s’agit pas pour Mayotte de changer brutalement de partenaires mais d’obtenir le droit d’en courtiser d’autres et le droit de chercher par elle-même, et ailleurs que dans les carnets d’adresses mzungu d’autres appuis, d’autres circuits, d’autres règles de fonctionnement que ceux qui lui seront inévitablement imposés par une départementalisation pure et dure. La liberté ne consiste pas à subir mais à chercher sa voie personnelle et à prendre soi même la direction de son propre avenir.

S’il n’est plus complètement avec le mzungu, l’avenir de Mayotte se trouve où ? Mais dans sa région voyons ! Placées où elles sont et avec leur histoire les Comores ne sont pas un Haïti en gestation mais ont naturellement vocation à devenir la Suisse de l’Océan Indien. Ou le Lichtenstein ; ou Monaco. Qu’on y songe, voila un ensemble de quatre îles dont aucune ne présente d’intérêt particulier. Les plages sont bien plus belles aux Seychelles et à Maurice, les sommets bien plus élevés et accessibles à la Réunion, les espaces bien plus vastes à Madagascar, la faune bien plus fascinante sur le continent tout proche. Les Comores ne disposent d’aucune ressource ni d’aucune richesse que l’on sache. C’est très exactement un endroit dont personne ne voudra jamais s’emparer et c’est déjà ça. Tout comme la Suisse dont personne n’a jamais voulu emprunter les montagnes. Et tout comme la Suisse aussi c’est un carrefour entre des vieilles civilisations, des cultures puissantes et des échanges en devenir, un point de passage entre l’Afrique et tous ses partenaires, Européens, Arabes, Indiens et bientôt –déjà—Chinois. Pendant et à mesure que l’Occident décline la nouvelle carte du monde verra s’installer un axe qui reliera la Chine et l’Afrique et tiendra nécessairement compte de l’Inde et de la péninsule arabique.

Ce n’est donc ni à Rambouillet ni à Marcoussis mais dans les Comores que se signeront les cessez le feu entre belligérants africains ou arabes.
C’est dans les Comores que se célèbreront leurs accordailles.
C’est dans les Comores que se scelleront leurs nouvelles alliances.
C’est dans les Comores que se signeront les contrats entre les nations africaines et leurs partenaires historiques ou à venir.
C’est dans les Comores que s’installeront les établissements bancaires dont se serviront les habitués de l’Océan Indien.

Et l’on voudrait que Mayotte n’en soit pas !!

Personne, et nous les signataires de ce plaidoyer moins que quiconque, personne ne désire que Mayotte rejoigne dès demain l’Etat comorien. Il n’est pas question d’appauvrir Mayotte ni d’envisager pour elle des conditions de fonctionnement plus aléatoires que celles qui régissent aujourd’hui son quotidien. Nul ici ne songe, non plus qu’à Paris, à demander à Mayotte de quitter la République.

Il est question d’œuvrer pour que Mayotte elle-même contribue activement à mettre en place une structure dans laquelle elle serait écoutée parce qu’elle aurait pris son sort entre ses propres mains.

Refuser le département ne changera rien nulle part dans l’immédiat et aucun châtiment ne tombera du Ciel ni de la République pour punir Mayotte d’avoir osé dire que le mot « département » ne convenait pas. Après le NON le travail des hommes politiques consistera, comme à l’habitude, à obtenir le maximum de l’Etat pour ensuite le redistribuer à leur guise. Ils devront simplement se servir d’autres mots que « département » ou « zone ultra périphérique ».
« Impossible !! » trépigneront-ils.
Qu’en sait-on ? L’a-t-on jamais fait ? A-t-on même seulement essayé ? En a-t-on seulement discuté ? Bien sur un NON impliquerait nécessairement une certaine redistribution du pouvoir et quelques indignés et fébriles caciques trembleraient sur leurs ronds de cuir avant de prendre d’avec la politique locale une retraite glorieusement méritée. Mais le vide que créera leur départ ne sera d’aucune gène puisque c’est très exactement dans cet espace laissé vacant que pourra s’installer une jeunesse mahoraise pourvue enfin d’un but qui soit plus prometteur et plus stimulant que celui qui consiste à copier le maître en tous points de sa vie, à afficher ainsi des ambitions d’esclave et finir caissier ou agent de sécurité avec un bac plus cinq. C’est très exactement dans cet espace à construire que les jeunes de Mayotte et de la région pourront mettre au feu leurs idées, tester leurs audaces et canaliser leur ardeur.

Dire NON aurait en outre le dernier avantage de calmer à peu près tout le monde. Dernier mais pas le moindre.

Les wazungu pour commencer qui verraient, une fois la surprise passée et à l’exception de quelques joueurs de golf en colère, une bonne dose de pression disparaître de leurs effarouchées épaules. Sans doute seraient-ils toujours les Détenteurs Suprêmes du Savoir et du Pouvoir mais dépourvu désormais de toute urgence, leur enseignement aurait moins d’importance et, débarrassés de l’absolue et constitutionnelle obligation d’exiger de tout un chacun qu’il se comporte selon la norme, bon nombre d’entre eux se feraient plus discrets ce qui ne sera pas dommage.

D’autres qui serraient surpris, stupéfaits, quasiment cloués sur place et soudainement calmés, ce sont les agités d’à côté qui se verraient brutalement privés d’un de leurs arguments majeurs pour continuer à traiter Mayotte comme une dépendance. Ce qu’elle n’est pas. Le choix du NON imposerait à tous que les actes de Maore valent largement les palabres de Ngazidja. Une fois la stupéfaction passée, et comme ils ne sont pas plus bêtes qu’ailleurs, ils traiteront Mayotte avec plus de respect, en partenaire, en égale, rassurés qu’ils seront qu’ »attendre » est redevenu un verbe actif.



Et si, sans que cela lui coûte, dsire NON permet à Mayotte de faire le calme autour de soi, ma foi ce sera tout bénéfice et tout à mettre au crédit de Mayotte qui aura prouvé qu’il n’est pas toujours besoin d’être riche pour être libre et que ses habitants pouvaient être aussi lucides que n’importe qui et politiquement plus mûrs que beaucoup.

Amine kam’gwavenze

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