mardi 9 décembre 2008

Lettre ouverte au Président de la République

Lettre ouverte au Président de la République








Monsieur le président,






Pourquoi Mayotte n’est-elle pas un paradis fiscal ? Ne serait-ce pas ce que nous pourrions en faire de mieux ? Nous vivons avec Andorre et Monaco, pourquoi pas Mayotte ?

Qu’est-ce qui va nous coûter le plus cher, qu’est-ce qui va nous rapporter le plus, qu’est-ce qui va nous causer le moins de souci, un département de plus ou un paradis fiscal de plus ?

Qu’est-ce qui empêche que Mayotte devienne un paradis fiscal ?

Département, pas département, maintenant pas maintenant. Voilà déjà un premier débat bien engagé.
Département ou paradis fiscal ; voilà un autre débat. Pas engagé du tout. Et pourquoi pas ?

Ce serait quoi les inconvénients d’un paradis fiscal ?

De grâce, Monsieur le Président, demandez qu’on me réponde.




Je vous assure de mon profond respect


Marcel Séjour

samedi 6 décembre 2008

Les Chinois sontils des wazungu comme les autres? (suite)


Quand l’Européen contemple la Nature il sait qu’elle lui a été donnée pour qu’il en soit le maître, pour qu’on y puise ce qui nous est utile ou agréable. L’on doit remercier Dieu pour ces infinies abondances, Le louer pour tous ces bienfaits et tenter de reproduire la Nature c’est une façon d’honorer Dieu. L’humilité va donc de soi parce que si on prend Dieu comme maître ce n’est pas gagné d’avance et on va passer beaucoup de son temps à se dire qu’on n’y connaît rien.
Quand l’Européen dessine il cherche à retrouver quelque chose qu’il a vu et que personne d’autre n’a vu. Il montre alors une partie de la Nature. Il le fait du mieux parce que son dessin doit honorer Dieu. L’artiste européen sera besogneux et facilement coupable de n’avoir pas fait suffisamment.



Quand le musulman contemple la Nature il sait que Dieu l’a mise à sa disposition. Il la subit donc dans ce qu’elle a de désagréable, comme tout un chacun et en jouit sans entraves. Il ne va pas essayer de copier ce que Dieu a fait (pourquoi pas rivaliser avec Lui tant qu’on y est ?)
Quand le musulman dessine ou calligraphie il n’est pas préoccupé par la Nature mais par celui qui l’a faite. Sous son crayon ou son pinceau les formes que lui proposera la Nature se simplifieront, se « géométriseront » et se répèteront tandis que leur ensemble, leur « communauté » se complexifiera à l’extrême. Le rythme alors seul compte, ossature de la psalmodie, propice à la prière ou tout au moins à l’abandon et de là à la soumission, premier article de la foi. Son dessin doit servir Dieu. L’artiste musulman sera besogneux et soumis, y compris à ses limites, qui ne le culpabiliseront jamais.




Quand le Chinois contemple la Nature il voit tout ce que Dieu a laissé à l’humanité en même temps qu’il sait que Dieu ne peut ni être joint ni appréhendé. La Nature appartient à la sphère de l’Humain ; pas Dieu. Comprendre la Nature c’est comprendre la façon dont l’univers fonctionne. Et l’Homme avec lui. Et se comprendre soi, ce qui n’est pas rien mais ce n’est pas comprendre Dieu. Expliquer la Nature c’est d’abord la prendre toute entière avec ses biens et avec ses maux.
Quand le Chinois dessine il explique la Nature, la simplifie, trouve dans les fouillis qu’il a sous les yeux les harmonies qui rendent la Nature compréhensible. Il y cherchera des équilibres, premiers symptômes de compréhension, puis des harmonies, véritables preuves que quelque chose d’important a été compris dans le fonctionnement de l’univers et de soi-même. Son dessin doit servir les hommes. L’artiste chinois sera besogneux et fier.


Quand l’Africain contemple la Nature il sait qu’il n’est pas différent d’elle ni elle de lui. Et comme Dieu est partout ce que Nature veut Dieu le veut. Comprendre le fonctionnement de la Nature a moins d’importance que comprendre ce qu’Elle veut. Avoir un objet qui l’évoque déclenche chez l’individu tout un faisceau de projections qui seront autant d’informations sur le rapport qu’il entretient avec l’œuvre divine. Le ressenti a alors valeur de connaissance.
Quand l’Africain dessine il le fait en relief ; il fabrique un objet qui évoquera ou servira à évoquer la nature mais ne la copiera jamais. En outre, représenter la Nature n’est pas très valorisant ; c’est montrer au monde qu’on n’est pas aussi bon qu’Elle, c’est se forcer à bégayer. Il est où l’intérêt ?
Ses objets serviront d’intermédiaires avec le sacré ; l’artiste africain sera besogneux et utile.


Et notre Comorien là dedans, à la croisée des chemins africains et arabes, méprisera la représentation et privilégiera l’utile. Nous voilà bien.

La façon dont une société appréhende l'art correspond à la façon dont elle appréhende la Nature, laquelle correspond à la façon dont elle appréhende le divin. On n'est pas sorti de l'auberge!
Les profs d'arts plastiques servent-ils à quelque chose?
Les profs d'arts plastiques doivent-ils être présents à Mayotte?

Si j'étais responsable de l'enseignement de l'art pictural, à Mayotte ou aux Comores en général je crois que je commencerais par renvoyer chez eux tous les profs d'arts plastiques européens pour les remplacer par des artistes chinois.

(à suivre...)

mardi 2 décembre 2008

épilogue au barrage. Photo d'Ibrahim


Monsieur Daoud Zitouni demande; "qu'est-ce qui est arrivé à l'agitateur mzungu après qu'il ait bloqué la rue comme un vulgaire instituteur mahorais?"
C'est une bonne question.
Il a été emmené au poste de police et là il a dit bonjour à tout le monde puisque tout le monde ou presque le connaissait pour l'avoir rencontré sur et en dehors des terrains de foot. Les policiers ont rédigé une main courrante, laquelle a du courir suffisamment loin pour ne pas être rattrappée. La plus embêtée de tous était la femme policier qui , sans doute la plus inquiète, surveillait les alentours et tirait la tronche quand elle a sali ses rangers en portant le malfaiteur. C'est ainsi.
D'autres questions se posent:

-Les instituteurs, entre autres mahorais, bloquent de temps à autre les rues, certes, mais est-il arrivé une fois qu'un Mahorais fasse un barrage à lui tout seul? L'a-t-on jamais vu?

- Un mahorais seul, dans ce genre de réclamation, aurait-il obtenu aussi rapidement tout ce qu'a obtenu ce mzungu, même "bien connu des services de police"?

-Enfin, et peut-être surtout, le niveau de ras le bol des mahorais et des wazungu est-il le même? Combien d'innondations supplémentaires aurait-il fallu au mahorais moyen de la rue Babou Salama pour qu'il s'allonge dans la boue?

Kamar et Ibrahim, mes autres voisins, ont pris la pelle pour bloquer la rue, et ont donc vu leurs noms portés sur la main courrante, mais ils ne se sont pas joints au "sit-in" d'Olivier. Ont-ils manqué d'audace? D'habitude individualiste? De confiance en eux? parce qu'après tout les wazungu partent et les mahorais restent. Victimes des mêmes insuffisances administratives Kamar et Ibrahim ont soutenu la révolte du mzungu mais se sont arrêtés à la "représentation publique" Pas question pour eux de se donner en spectacle, ce qu'Olivier, pourtant d'habitude fort discret n'a pas craint de faire. Avec sa pelle à la main, érigée comme un drapeau, il évoquait vaguement Jeanne d'Arc tombée de son cheval et souriante à son infortune. Dans quel imaginaire est-il allé puiser la forme de sa revendication? Et quel imaginaire a conduit les réactions de Kamar et d'Ibrahim?

lundi 1 décembre 2008

épilogue

Eh bien non, il ne s'agit pas d'une oeuvre d'art, même éphémère, et le grand lieutenant de police en a l'air sincèrement désolé mais c'est comme ça. Il s'agit d'un barrage routier, à la suite d'une énième inondation de boue dans les maisons de la rue Babou Salama, dont celle de mon voisin Kamar, (à droite, en marcel bleu) ce qui explique l'acharnement de son fils, Ibrahim, à pelleter la terre, et ce qui explique aussi la fureur d'Olivier qui a décidé de faire un barrage à lui tout seul. C'est donc Mick qui a gagné.
Les policiers n'ont pas beaucoup aimé devoir se salir les brodequins mais il a bien fallu débarrasser la route et ils ont emmené Olivier au poste.
Dans l'après midi les services de la mairie venaient constater les dégâts et entreprenaient de déboucher le caniveau.La SOGEA s'est installée ce matin et la rue est cassée, creusée, la canalisation est remise en état, bref tout va bien. Sans doute jusqu'à la prochaine grosse pluie. Il aura fallu trois inondations, autant de réclamations auprès des services ad hoc et ce mini barrage aux maxi effets.
Merci à Olivier pour ce beau geste.
Je le remercie d'autant plus volontiers que j'ai été moi-même innondé et que je n'ai pris ni la pelle ni la peine de me vautrer dans la boue. Je n'ai fait que prendre les photos.

samedi 29 novembre 2008

mon voisin Olivier


Lui c'est mon voisin Olivier.

Question: que fait-il là?

vendredi 28 novembre 2008

ébauches


Commencer. Sans doute la partie la plus excitante du travail.






La fin est pour dans quelques mois. Tout peut arriver. Le bon comme l'ordinaire.

vendredi 14 novembre 2008

Qu'en penseraient les Mahorais si j'étais noir (3)


ébauche de tableau article 32




Une fois qu’ils m’auraient demandé d’où je venais les Comoriens pourraient fort bien me demander ce que je veux.
Déjà qu’ici on n’est pas très porté sur la représentation du réel il y a aussi le choix des sujets. D’un côté on a tous ces wazungu qui ne font que nous parler de développement, durable ou pas, ce qui veut dire maisons neuves, avec caniveaux, tout à l’égout et permis de construire pour tous, qui nous font envie avec tout ce qu’on voit à la télé, belles voitures whisky et petites pépées à Malibu ou Acapulco et pas une trace de boue sur les mocassins, même quant il pleut à torrents, ce serait quand même pas mal si on pouvait vivre comme ça, il y a aussi toutes ces études que font nos enfants pour arriver à ce niveau, toutes ces publicités pour des machines à laver, robots, fours électriques et autres équipements domestiques, écologiques, performants et qui s’intègrent si bien dans notre espace de vie hi hi hi ! tout l’argent qu’on dépense pour avoir une voiture neuve ou simplement pour avoir l’air, tous ces règlements et contraintes qu’on est bien obligé d’accepter si on veut être département, comme les impôts locaux par exemple, rien que d’y penser lahilaaa ! bref on se lève à cinq heures on rentre à dix-neuf heures, bien après le feuilleton, on dépense une fortune en essence rien que pour aller travailler, on fait tout ce qu’il faut pour être comme tout le monde et on a ce guignol qui n’est même pas d’ici qui vient nous représenter en short et torse nu pour les hommes, comme des vrai matsaha*, assises le cul dans l’eau pour les femmes, occupées à piailler et à faire la lessive ! Et il fait ça en grand, pour que ça se voie bien ! Il nous veut quoi ce négro ? Qui, je vous le demande, QUI veut vivre à nouveau dans une case en torchis avec un toit de feuilles séchées qui prend l’eau et dans lequel se nichent rats et scolopendres ? Nous on n’en veut plus ! On veut bien continuer à manger avec les doigts, assis sur une noix de coco, quand ça nous fait plaisir, on veut bien passer du temps à échanger des potins avec les copines, par beau temps, les fesses dans l’eau en faisant une lessive, mais on n’en veut plus des cases, on n’en veut plus des pistes, on n’en veut plus des dispensaires pourris, on n’en veut plus du travail pieds nus dans les champs, s’il en veut, lui, le négro qui peint, il n’a qu’à aller peindre en Afrique où ils sont tous comme ça, mais pas à Mayotte qui est française, oui, fran-çai-se, on ne le répètera jamais assez ! et en France il n’y a pas de misère comme chez nous, on n’en n’a jamais vu à la télé sinon dans les vieux films, les films d’histoire, mais on s’en fout on ne regarde jamais ces films là et si on continue à aimer la vie simple et au grand air, ce qui est notre droit le plus strict, on n’a pas du tout envie, alors là vraiment pas du tout envie ni d’être photographié ni d’être dessiné, ni d’être vu et contemplé par qui que ce soit qu’on ne connait pas. Nous ce qu’on veut c’est Mayotte qui avance, qui se développe, qui prend des méga distances d’avec les idiots d’à côté, ceux qui n’ont pas fait le bon choix, avant c’était eux qui se la pétaient maintenant c’est nous tant pis pour eux, on ne sera vraiment rassuré que quand Mamoudzou ressemblera à Neuilly. Mettez-moi dans une Ferrari avec les Ray-ban et la Rolex et une passagère canon follement amoureuse de moi, une m’zungu de préférence histoire de joindre l’utile à l’agréable et je veux bien me laisser croquer de long en large quand on veut et par n’importe quel artiste mais torse nu dans mon champ ou les seins à l’air dans la rivière c’est niet sur toute la ligne. Du m’zungu on s’attend à tout ; il nous observe dans notre intimité, il rentre chez nous sans qu’on le lui demande, il édicte les règles, il promène ses chiens en laisse, il pose des tas de questions et il nous peint à poil. Mais bon on supporte parce que primo dès le départ il n’est pas pareil que nous et deuxio c’est lui qui a les sous. L’africain qui peint nous ressemble mais il ne fait pas comme nous et les sous ils sont où ? Ce n’est sûrement pas de l’Afrique qu’ils vont venir. Le m’zungu qui peint on l’ignore. Le noir qui peint on ne lui fait pas confiance.

La taille des Comores, leur culture et l’époque à laquelle on vit accumulent ainsi comme à plaisir les obstacles les plus efficaces à l’émergence de ces « Je » citoyens, des intellectuels, des artistes, tout ce dont rêve Mr el Badawi (une suite à Moroni blues), et imposent à chacun un carcan d’une lourdeur et d’une rigidité telles que tout individu hors normes ne pourra trouver sa voie que dans l’exil.
Le Comorien hors normes partira passer quinze ans en métropole dans l’espoir de se débarrasser de ses chaînes, ne s’en débarrassera bien évidemment pas mais remerciera le Ciel s’il a acquis la force de pouvoir vivre avec elles tandis que, pour très exactement la même raison, et avec les mêmes contraintes, certains blancs, dont je suis, vivront pendant quinze ans un exil africain. Dans mon cas cet exil aura au moins eu le mérite de permettre l’émergence d’un œuvre, ce qui n’est pas rien. Vouloir changer de couleur de peau, même et surtout le temps d’un vernissage serait nier mon exil même et refuser ce qui l’a rendu nécessaire, ce serait refuser de faire face à un des éléments qui me font « hors normes », élément que j’aime ou que je n’aime pas, peu importe, mais qui constitue véritablement ma nature et si je m’obstinais dans un tel déni je m’installerais dans l’erreur, ce qui est fatal pour un artiste, et je m’exposerais plus que je n’exposerais mon travail, ce qui est probablement tout aussi dangereux.
Me teinter en noir pour parler de ma peinture, finalement, ne serait peut-être pas une très bonne idée.
C’eut pourtant été un moyen de rendre le dessin plus acceptable aux Comores puisque, à tous les handicaps énumérés jusqu’ici il s’en ajoute un autre, entré plus récemment dans la psyché comorienne mais installé pour de bon et pour longtemps. A la question : « pourquoi ne dessine-t-on pas d’avantage aux Comores ? » il sera souvent répondu : « parce que c’est un truc de m’zungu. » Bon.
Les Chinois, les Japonais dessinent, beaucoup, très bien et depuis fort longtemps. Le respect qu’ils accordent au dessin ou à la peinture est tel que les meilleures œuvres des plus grands maîtres sont hissées au rang de trésor national. S’il s’en vendait encore un dessin d’Hokusai vaudrait à peu près le même prix qu’un dessin de Léonard.
Si le dessin est un truc de m’zungu les Chinois et les Japonais sont-ils des wazungu comme les autres?

A suivre…

* matsaha : inculte, grossier, sans éducation, sauvage, personnage des bois et des plages, bon à servir mais qui peut quand même se rebeller, on l’a déjà vu, donc s’en méfier, un être insignifiant, même que s’il y en avait moins on ne s’en rendrait pas compte.



Tableau fini

dimanche 9 novembre 2008

Qu'en penseraient les Mahorais si j'étais noir? (2)

article 31

L’Islam interdit la représentation divine, ce qui n’est sans doute pas plus bête que de représenter Dieu avec une grande barbe, vautré sur son nuage comme Mahoraise au marché, entouré par une kyrielle d’anges gironds mais asexués, et, sans la mettre explicitement à l’index, n’encourage guère la représentation du réel, qu’il trouve au mieux inutile (comment peut-on faire mieux ce que Dieu a déjà parfaitement fait ?!), au pire dangereuse. L’artiste en effet ne se contente pas de représenter, cela n’importe quel appareil photographique peut le faire, mais il interprète, ce qui lui donne une voix à lui, une voix toute personnelle qui lui permet de proposer à autrui sa propre vision du monde et qui lui donne donc un pouvoir que toute bonne religion a le devoir de surveiller. C’est ainsi que dans les pays musulmans, et cela quel que soit leur degré d’orthodoxie, on constate que l’image « prise » (photos, vidéos, films) est tolérée, au contraire de l’image « faite » (dessin, peinture, sculpture) qui suscite les pires méfiances.
Je soupçonne qu’au départ l’Afrique, réaliste et lucide selon son naturel et bonne enfant selon son habitude, étant indifférente à la représentation du réel, se contentait de vivre avec lui du mieux qu’elle le pût. Représenter le réel n’intéresse pas beaucoup l’Africain. L’évoquer, au travers de représentations stylisées et symboliques lui suffit largement pour entrer en contact avec l’ « âme » des choses et des gens. Si bien que lorsque l’Islam est arrivé avec son cortège de réticences ou d’interdictions ces dernières ont été acceptées comme allant quasiment de soi, là n’étant pas l’important.
La taille de l’archipel (un tiers de la Creuse) ne va rien arranger, bien au contraire. Un pas décisif vers la compréhension des Comores aura été fait si on se souvient (pour les plus âgés d’entre nous) comment fonctionnaient les habitants d’un village, au temps où un village était capable de vivre en unité presque fermée, où il y avait peu de voitures et pas de télévision. Ploucs de tous les pays reconnaissez-vous ! Ici, et bien évidemment à l’intérieur de chacune des îles tout le monde connaît tout le monde et tout le monde surveille tout le monde. Dans « Moroni blues » (Bilk and Soul) et dans « Une suite à Moroni blues » (éditions de la lune) Mr El Badawi l’expose magistralement et démonte les mécanismes qui, valables pour Moroni, le sont tout autant pour chacune des quatre Comores. Hors de la norme point de salut.
Déjà contraignante sur l’adulte cette pression va être intolérable sur l’enfant, en particulier pendant les années où se fait normalement tout apprentissage, entre neuf et quinze ans, puisque la pression du groupe se surimposera à celle de l’adolescence, laquelle tolère mal le moindre signe d’originalité, souvent confondue avec la déviance.
A cela s’ajoute, autre caractéristique comorienne, et pas la dernière en importance, la structure matriarcale qui rend la mère toute puissante et interdit à l’enfant ou à tout le moins ne facilite en aucune manière la révolte que celui-ci doit nécessairement vivre pour pouvoir ensuite s’attacher à une figure moins confortable, moins normative mais plus dirigiste, souvent une figure mâle, capable de lui imposer et de lui faire accepter la discipline nécessaire à tout apprentissage. La discipline ne se résume pas à l’adoption d’un code ; il n’y aurait là que formatage, lequel est effectué dans la petite enfance, le plus souvent sous la direction de la mère et ici plus qu’ailleurs. La discipline, sans laquelle aucune construction ne peut harmonieusement être menée à terme suppose l’inscription de l’effort dans la durée, suggère qu’on attende avant d’avoir des résultats, impose l’effort longtemps avant la récompense et ce ne peut guère être le rôle de la mère, trop habituée à réconforter dans l’instant. Il existe pourtant des exceptions, qui surprennent, comme toutes les exceptions, qui ravissent comme les exceptions rares, et qui donnent à rêver, comme tout ce qui est prometteur. Je pense à Modali qui est comorien, qui est un maître, et auquel personne ne jette de pierres peut-être parce que, bien que le pratiquant fort bien, il a abandonné le figuratif.

A suivre…

lundi 3 novembre 2008

Qu'en penseraient les Mahorais si j'étais noir?

article 30



Je ne suis pas certain que ça leur plairait tant que ça.

Ils commenceraient par me demander d’où je viens. Ils me demanderaient ensuite ce que je cherche.
D’où je viens ? Pas des Comores assurément et encore moins de Mayotte. A aucun moment de sa vie le Comorien n’est seul et personne ne l’y encouragera jamais. Les Comores n’ont pas le privilège de la pression sociale et partout dans le monde, et à toutes les époques, les groupes constitués ont fait pression sur leurs membres pour qu’ils ne sortent pas du discours établi, pour des raisons de survie vraisemblablement, chaque défection entraînant un affaiblissement du groupe et chaque déviance en suscitant la crainte. Le groupe commence avec la sphère familiale, premier ensemble capable de conférer à chacun de ses membres une force qu’ils n’auraient jamais seuls. C’est cette pression là qui est la pression originelle, d’où le provocateur « familles, je vous hais » de Gide.
Si chaque individu possède naturellement son regard propre sur le monde l’artiste sera celui qui tentera de concrétiser ce regard, de le rendre perceptible à d’autres que lui et, dans le cas des artistes plasticiens, de plier la matière aux exigences de sa vision. Dans une société où tout le monde s’exprime avec les mains le manchot est bien embêté. Il lui faudra du temps, des efforts, et une attitude toute personnelle pour mettre en place un moyen de communication exprimant ses désirs et ses sentiments. Dans une société ou tout le monde parle celui à qui la parole ne suffit pas pour dire ce qu’il a à dire utilisera d’autres moyens, l’écrit par exemple et devra passer quelque temps seul avec ce dont il dispose pour présenter un langage qui le « dise » à la place du langage utilisé par son entourage. C’est dans cet espace là que se situera la solitude de l’intellectuel ou de l’artiste, un peu comme ces boyaux sombres et angoissants dans lesquels se faufilent et se contorsionnent les spéléologues avant de déboucher dans des salles plus vastes. La création est solitaire mais cette solitude là fait partie de la vie de l’artiste et nul ne peut véritablement ni s’y soustraire ni s’en plaindre. Mais si le dramaturge, le chorégraphe, le musicien sont seuls lorsqu’ils composent et créent leurs œuvres, la concrétisation de leurs représentations esthétiques se fait devant un public et le plus souvent par le biais d’un groupe. Rien de tel pour l’écrivain (et surtout le poète, le plus fou d’entre les littérateurs), ou le plasticien qui restent seuls lorsqu’ils sont exposés et dont les œuvres, pour devenir outil de communication, ne requièrent qu’un seul lecteur ou qu’un seul spectateur. Les individus pour lesquels le langage commun ne suffit pas sont rares. Ceux qui s’attèlent corps et âme à la tâche consistant à inventer leur propre expression (appelons ça « création ») sont plus rares encore. Et ils le seront d’autant plus dans les sociétés où la pression d’être conforme est forte. Laquelle pression variera en fonction de la taille du groupe (plus il est restreint plus ses codes seront coercitifs) et de sa propre culture. « Nul n’est prophète en son pays » entend-on dire un peu partout en occident ; ce dicton prouve bien que la pression sociale n’est pas un trait uniquement comorien et qu’elle s’exerce partout et à toutes les époques mais ce qui caractérise les Comores en général et donc aussi Mayotte c’est qu’ici les deux types de pression se conjuguent de façon indissoluble. La pression culturelle qui vient de deux courants principaux, à savoir l’Islam et l’africanité des Comores va se trouver terriblement renforcée par la taille des quatre îles, à jamais inextensibles, créant ainsi un maxi carcan pour un mini pays et rendant plus difficiles et plus improbables, à l’intérieur de l’archipel, l’émergence et le développement de personnalités hors normes et acceptées comme telles.
Jules Renard disait : « les gens raisonnables voient le monde tel qu’il est et s’en accommodent ; les gens déraisonnables voient le monde tel qu’il est et, ne s’en accommodant point tentent d’y changer quelque chose. Le monde ne pourra donc être changé que par des gens déraisonnables ».
Aux Comores les gens déraisonnables ont moins de facilités qu’ailleurs et ça finit par être pesant, n’est-ce pas Soeuf ?

A suivre…


P.S. Pour le lecteur (anonyme) un peu prompt à affirmer que je ne peins que des noirs (et un peu accusateur avec ça…), prêt également à considérer qu’un racisme efface un autre racisme, ces deux petits portraits qui devraient l’inciter à plus de prudence. Le portrait de la petite fille n’est pas terminé.



Vernissage le mercredi 12 novembre, à 18 h 30, au M'Biwi café, de dix-huit petits tableaux

mercredi 29 octobre 2008

Si j'étais noir ... article 29




Si j’étais noir les Wazungu (1) en tout premier en seraient tout heureux. A commencer par les profs d’arts plastiques qui y verraient, enfin! une vraie bonne raison d’être venus à Mayotte, une récompense méritée à toutes ces années de labeur pour décrocher l’agrégation, une désormais inattaquable justification de leur prime. Sans doute n’achèteraient-ils pas davantage mais ils parleraient plus de mon travail. « Ce paysage que tu vois là a été fait par un Mahorais ! C’est pas possible ! Si si je te l’assure. Il s’appelle Aderahamane Saïd mais son surnom c’est Marcel. Il vient de la brousse. Ah ben dis donc ! Ah ben dis donc ! Comme quoi ça vaut la peine de dépenser de l’argent dans l’éducation. Repasse-moi, veux-tu, le catalogue de la Camif.»

Ravies de la nouveauté les élites expats, issues de la préfecture, de l’IEDOM (2), de la magistrature ou de la chambre de commerce m’inviteraient à leurs cocktails, à leur table, au golf, m’offriraient un stand au Comité du tourisme et me présenteraient à leurs hôtes de passage. « Monsieur le ministre laissez-moi vous présenter Abderamane Saïd, plus connu sous le pseudonyme de Marcel. C’est lui qui a fait la nature morte que vous voyez là, juste sous l’air conditionné. Ah ! Mais c’est très bien ça ! Très très très très bien. Vous avez appris où ? Ici, à Mayotte ! C’est un artiste de passage qui aura décidé de votre vocation ! Ah mais c’est très bien ça ! Très très bien. Un nègre qui peint comme nous ! Voilà qui est émerveillâble ! Continuez à travailler mon ami. Vous ne pouvez que réussir. Vous êtes l’avenir de l’Art à Mayotte. »

Toujours bien disposées toujours enclines à s’émouvoir*, les épouses de toutes ces huiles se sentiraient soudainement pousser des ailes de muse ou d’égérie et, pour peu que je prenne l’air triste et renifle à propos, pour peu aussi bien sur que je ne la ramène pas trop, mettraient toutes leurs forces en œuvre pour aider, à travers moi, tous ces beaux mais tellement malheureux Africains qui sont si tristement démunis de tout, ah comme c’est injuste!, m’inviteraient au jury de la meilleure encadreuse, à la journée annuelle « arts et loisirs » organisée par les épouses des personnels du DLEM (3) ou du GSMA (4), à l’arbre de Noël du Rotary, et donnant sans retenue libre cours à la bonté, l’altruisme et le désintéressement qui sont les qualités naturelles de toutes les femmes occidentales quant elles sont chez les pauvres, remueraient ciel et terre pour faire ma promotion, mettraient le siège devant mon atelier et me harcèleraient pour qu’après tant d’efforts enfin je les peignisse. « Ah Marcel ! Par pitié introduisez nous à la magie de votre pinceau ! »

Le rédacteur en chef de RFO, le directeur d’antenne et peut-être même Moina Saindou me trouveraient à leur goût, les pigistes du Mahorais apprendraient à écrire le mot « art » sans faire de faute d’orthographe, Mayotte hebdo, oui Mayotte hebdo soi-même m’inviterait à un de ses tant courus petits déjeuners, avec Ali Saïd Attoumani par exemple, qui aurait insisté pour être invité et qui serait arrivé à l’heure, Alain Kamal Martial abandonnerait le look de BHL, cesserait cinq minutes de parler de l’esclavage, se prendrait pour Jack Lang et m’embrasserait à chaque fois qu’il me rencontrerait, on me demanderait de faire partie du GRDC (5), le Conseiller d’Etat, si tellement occupé, entre deux avions ou entre deux vins romprait le croissant matinal avec moi à la terrasse de la boulangerie, Taillefer ordonnerait aux agents de sécurité de la Poste ou de la Sécurité Sociale de me laisser accéder aux guichets avant tout le monde, nimbé de tant de gloire je retrouverais le chemin des petits papiers de la Prima Dona du barreau, appelons-la Madame Z, qui me pardonnerait mes extravagances du passé, et la première d’entre elles, celle de lui avoir tenu tête, m’ouvrirait à nouveau tout grand les portes de sa villa, m’achèterait peut-être un petit ouvrage et, signe d’une profonde émotion, ne penserait même pas à me demander une ristourne, les gens en place couvriraient mes expositions, on m’inviterait pour entendre mon point de vue sitôt qu’on parlerait d’art ou de culture, on organiserait des débats contradictoires à l’issue desquels tout le monde se quitterait content de soi, Chamoins, le directeur des affaires culturelles de la préfecture me hisserait aux nues, moi qui suis par ailleurs tant porté sur les nus, on me solliciterait pour la coopération régionale, on me supplierait d’enseigner aux enfants, on m’octroierait des subventions, va savoir, on soufflerait mon nom pour une médaille des arts et lettres et, lorsqu’on m’inviterait, le soir, au restaurant, les serveurs, déférents, me donneraient du « maître ».
Voilà donc bien matière à rêver.

Et qu’en penseraient les Mahorais si j’étais noir ? À suivre…

* merci Brassens

(1) Un Blanc : muzungu prononcer m’zungu. Des Blancs : wazungu
(2) IEDOM Banque de France hors hexagone
(3) DLEM Détachement de la Légion étrangère
(4) GSMA Service militaire adapté
(5) GRDC Groupe de Réflexion sur le Devenir des Comores. Très documenté, très pointu et très chatouilleux sur l’histoire de la région, très intelligent, très amoureux des Comores dans leur ensemble, un peu snob ou peut-être simplement élitiste, très anti-département et donc quasiment clandestin par les temps qui courent.

Et si j’étais Comorien ça donnerait à peu près ça.

lundi 27 octobre 2008

Un problème de moins



Voici comment j'ai réglé le problème du chapeau

jeudi 23 octobre 2008

J'ai un autre problème

Aujourd'hui je ressemble à ça.
Quelles soient noires ou blanches les élites de Mayotte ne m’aiment pas.

Du côté des blancs on a le directeur des affaires culturelles de la Préfecture. Quand il me voit, ce qui est rare et qui dépend de circonstances sociales totalement indépendantes de sa volonté, il me tend sans plaisir deux quenelles molles et froides à serrer en guise de poignée de main, me toussote un évanescent bonjour en regardant par-dessus mon épaule pour voir s’il ne s’y trouverait pas quelqu’autre individu avec lequel il serait plus flatteur de s’afficher, quelqu’acteur de la vie culturelle locale plus digne de son éducation, de sa fonction et de sa suffisance.

Du côté des Mahorais on a le directeur des affaires culturelles du Conseil Général. Kofia sur la tête, djellaba sur les épaules, non seulement le vendredi mais la plupart des jours de la semaine, un vrai produit du cru. Il me rendit visite une fois à Bandraboua, là où je vivais et travaillais il y a maintenant quatorze ans de cela. J’eus ensuite peu de temps après une conversation avec lui dans son bureau où l’on parla de tout, y compris de Rembrandt qu’il me sembla connaître, ce qui m’étonna fort et me remplit d’espoir. En ces temps de rustres et en ces terres arides je crus avoir trouvé un interlocuteur. Tu parles ! Je lui téléphone, il n’est pas là ; je lui écris, il ne répond pas ; je lui envoie des mails, ils restent sans réponse et ça fait plus de quatorze ans que ça dure.

Autre Mahorais, créolisé celui là, le directeur du service culturel (ça fait quand même beaucoup de directeurs culturels tout ça), qui s’occupe des spectacles et des actions culturelles. Ce dernier ne remercie pas quand on lui envoie des reproductions de tableaux, ne vient ni ne donne signe de vie lorsque sa propre tante l’invite chez moi à un de ses vernissages et me salue d’un bref et réticent hochement de la tête, lorsqu’il m’aperçoit, sans un mot et sans un sourire. Un peu comme si, là où j’étais, je n’aurais pas dû être.

Lorsqu’un raout est organisé, ces messieurs invitent les « acteurs culturels de l’île », c’est l’expression consacrée, ainsi qu’il fut fait lors de la visite du frère de PPDA par exemple, ou à l’occasion du déplacement d’un grand commis de l’Etat. Croyez-vous que j’en sois du nombre ? Pas du tout. Marcel n’est pas un acteur culturel de Mayotte. Oh les fâcheux butors ! Lorsqu’ils décident d’offrir au ministre de passage un tableau en guise de souvenir, ont-ils auparavant visité mon atelier ? Pas une fois ; ni ne se sont jamais enquis de mes tarifs, pourtant fort modestes. On invite Jan Van der Hoven, rasta hilare de père hollandais et de mère zaïroise et qui n’est donc pas plus mahorais que ne le fut ma grand-mère, ou on achète un tableau à Tim, jeune femme d’ascendance malgache ou asiatique voire les deux à la fois, pas mahoraise pour un sou elle non plus. On peut préférer leur travail au mien mais pourquoi ne tient-on jamais compte ni de ce que je fais ni des quinze ans que j’ai passés dans l’île ? Pourquoi ne me pose-t-on jamais aucune question ? Il n’y a pourtant pas tant de peintres que ça par ici et il y en a encore moins qui travaillent correctement. Ma peinture est-elle nulle ? Ah ah ! Rions. Ces messieurs sont-ils tous niais ? C’est très possible. Tous ignorants ? C’est très probable. Tous inutiles ? C’est très certain. Mais j’ai une autre explication et ce que je crois aujourd’hui c’est que la couleur de l’artiste compte plus que celle de son travail et que subséquemment, je serais beaucoup plus courtisé si j’étais noir. Par exemple, là, en ce moment, je joue avec l’idée de me teindre en noir pour présenter ma prochaine expo (le 12 novembre à 18h30 au M’biwi café)

Supposons donc que je sois noir A suivre…

jeudi 16 octobre 2008

Tableaux d'élèves







Aujourd'hui, Jack Passe.

"Inventeur" de la course de pneus, véritable institution mahoraise, plongeur plus qu'émérite et chasseur d'exception. Amoureux de la mer de sa faune et en particulier des requins. Total respect pour ces grands, majestueux et silencieux prédateurs. Quand Jack flèche un poisson il a conscience de prendre au requin ce qui lui appartient de droit. Jack chasse avec la permission des squales.

Il savait dessiner avant de venir chez moi mais il ne savait pas peindre à l'huile. Ca y est; maintenant il sait comment le matériau fonctionne et comment il faut le manipuler. Et voilà ce que ça donne.
Bonne plongée.

dimanche 5 octobre 2008

Brouillard


Mes mots sont durs
Mes images sont douces
Mes écrits fustigent
Mes tableaux apaisent.
Mes paroles quémandent
Mes dessins proposent
Mon verbe déborde
Ma peinture retient
Je dépends du mot
Je maîtrise le trait
De mes écrits j’attends réponse
De mes images j’attends plaisir
Je suis souvent satisfait par ce que j’ai écrit
Je le suis très rarement par ce que j’ai peint
Je règle mes doutes sur le papier
Et mes espoirs sur la toile
J’écris le monde tel qu’il est
Je le peins tel que j’aimerais qu’il fût
Argumenter m’excite et me déchire
Exposer me trouble et m’affirme
J’ai besoin d’écrire
J’ai peur de peindre
Si je devais me passer des mots je le ferais la mort dans l’âme
Si je devais me passer de peindre c’est mon corps que la mort prendrait

La vérité c’est que depuis quelque temps je ne comprends plus rien à rien

jeudi 2 octobre 2008

chinoiseries suite



le format de ces tableaux est de 30 cm x 81 cm

mercredi 1 octobre 2008

Chinoiseries




Trois petites "chinoiseries" pour commencer. Ça fait du bien parfois de se remettre au dessin. On acquiert, ou on retrouve une sérénité que la couleur ne favorise pas. Rien d'autre n'a d'importance que les contrastes et la composition. Quasiment un travail de retraité. Le mot "retraite" est ici presque d'essence religieuse. Noir, blanc, humilité. Et puis, parce que je ne peux pas m'empêcher de la ramener, un petit peu de couleur tout de même.
Certains tableaux sont signés d'un idéogramme; cet idéogramme est l'expression en chinois du surnom que me donnaient les joueurs de foot à l'époque où j'étais plus jeune, plus beau et où j'entretenais l'illusion de servir d'entraineur à quelques équipes en mal de coach. "Mimba m'bole" était la façon dont m'appelaient certains mal élevés, ce qui veut dire "gros ventre". L'idéogramme veut dire "panse étendue", ce qui en chinois n'est pas du tout péjoratif, mais plutôt flatteur à ce qu'il parait. Le jour où Mayotte devient département je déménage en Chine.

Un grand merci à Olivier, mon voisin, qui a pris ces photos.

samedi 27 septembre 2008

A quoi reconnait-on à coup sur un Anjouanais?


Il parait qu’on peut reconnaître un Anjouanais de loin. Il existe des signes distinctifs qui ne trompent pas. Je le sais parce que c’est une de mes élèves qui me l’a dit ce matin. Et ça doit être vrai puisqu’elle le tient de ses collègues enseignants. Je donne deux fois par semaine des cours de dessin et de peinture, et une de mes élèves du samedi matin est enseignante de quelque chose dans un lycée professionnel du centre de l’île et la pôvre vient tout juste d’arriver de métropole. Toujours prêts à rendre service, ses collègues l’ont donc briffée. Des vieux routards, ses collègues, à qui on ne la fait pas, qui connaissent l’envers du décor, le dessous des cartes, ce qu’on ne nous dit pas, auxquels on ne fera pas prendre des vessies pour des lanternes et faut quand même pas les prendre pour des cons. Des enseignants donc. Capables en outre de réciter par cœur, et à l’envers les trois catalogues principaux de la Redoute, des 3 Suisses et de la Camif. ( ce dernier un peu plus cher que les deux autres, mais question qualité on s’y retrouve) Déjà la semaine dernière ma cliente m’avait demandé si c’était vrai qu’il valait mieux ne pas sortir de chez soi le soir tombé ; même dans son village de Trevani; si c’était vrai qu’il ne fallait jamais, et sous aucun prétexte, même sous pluie torrentielle, laisser rentrer dans la maison le petit vendeur de légumes, primo parce que ça ne pouvait être qu’un Anjouanais, donc un clandestin, et deuzio parce qu’en une fraction de seconde il aurait fait le tour des portes et fenêtres, vous pouvez leur faire confiance, ils ont l’habitude, et dans la semaine qui suivait, bingo, vous étiez sûr d’ être cambriolé, ça faisait pas un pli.
Mais heureusement on peut reconnaître les Anjouanais, c’est du moins ce qui se dit dans les salles des profs. D’abord l’Anjouanais est moins gros que le Mahorais. Normal, il ne mange pas toujours à sa faim, et contrairement au Mahorais, travailleur au Conseil Général, plus aisé, il n’a pas souvent les moyens de s’offrir des produits qui font grossir, comme le fromage le champagne et les chocolats fins. Il est moins gros mais il est très musclé, et là aussi c’est normal puisqu’il et habitué à travailler dans les champs. Ce qui donne des muscles, comme chacun sait. Il n’y a qu’à voir les abdominaux de nos Beaucerons ou de nos Picards ; tous musclés comme des Anjouanais. Notre Anjouanais est donc pas épais et musclé, ce qui déjà facilite grandement les recherches. Il vaut mieux, cela va sans dire, éviter de se trouver face à face avec un Anjouanais, mais parfois on ne peut pas faire autrement et on remarquera alors que l’Anjouanais a une arcade sourcilière très développée, presque proéminente, au point que c’en est parfois un peu gênant. Esthétiquement indéfendable mais on n'en n'est pas toujours conscient parce que, comme tous les humanistes, on n’est pas habitué à remarquer ce qui est laid chez les autres. On s’attendrait à ce qu’ils aient le nez crochu mais non, leur nez est normal, juste épaté comme celui de tous les nègres, mais normal; leurs arcades sourcilières par contre, oh là là ! Faites y attention la prochaine fois que vous en verrez un. Ce qui devient difficile parce qu’ils n’osent plus dire qu’ils viennent de Anjouan.
Et un dernier signe enfin, qui fait qu’on les remarque quand ils se déplacent, ils se retournent souvent pour voir si on les suit. T’en vois un qui se retourne tous les cinq ou six pas, s’il a des arcades sourcilières épaisses tu peux l’embarquer tout de suite ; à tous les coups c’est un Anjouanais.
Conclusions : 1 l’Histoire n’apprend rien à personne et les conneries passées n’arrêtent aucune des conneries à venir. A quand le croissant jaune ?
2 Etonnant tout de même que ce genre de propos soit émis et véhiculé dans des salles de profs plutôt que dans des corps de garde. Etonnant et décevant. Les profs doivent être très déçus pour être aussi amers. On est toujours responsables de nos déceptions. Si je suis déçu c'est aussi que je me suis trompé. Ce qui en dit long sur la vraie valeur de la culture que nous répandons et dont nous sommes fiers. Malraux a tort; "la culture n'est pas ce qui reste quand on a tout oublié" phrase kitsch de pompeux vantard; il en était coutumier. La culture, c'est ce qui reste une fois qu'elle a été confrontée à celle de l'autre. Pas de quoi être optimiste.

Le tableau en en-tête est un portrait d’un joueur de foot qui se fait appeler Zidane; excellent en défense, parfois surprenant en attaque, il surveille toujours ses arrières, ce qu'on ne lui reprochera pas. Il joue à Mayotte sous un faux nom parce qu’il est anjouanais. Avec des arcades comme ça on s'en serait douté.

samedi 20 septembre 2008

clin d'oeil


ce petit tableau comme clin d'oeil à mes voisins chez lesquels j'ai passé hier une vivifiante soirée. Qu'ils en soient remerciés.
Bise à Hélène

jeudi 18 septembre 2008

conférence de presse


Conférence de presse aujourd’hui au Caribou, hôtel central local, point d’eau des gens qui consomment avec notes de frais, stalles inconfortables et sièges trop hauts. Rien à voir avec le Stanley de Nairobi ou le Raffles de Singapour. Mayotte est loin des zones de passage des grands fauves et les seules chasses qu’on y organise sont celles de la gazelle malgache ou du petit requin blanc. La conférence de presse avait lieu près de la piscine ; on y est mieux qu’ailleurs ; il y a de la lumière et les chaises sont faites pour s’asseoir. Un producteur de programme de télévision présentait sa grille pour les trois prochains mois. A ses côtés, son patron, pas un rigolo à première vue, et ses partenaires, c'est-à-dire ceux qui payent son programme. La laiterie de Mayotte, propriété d’une société réunionnaise, et SFR, société réunionnaise également. A eux seuls ces deux sponsors réunionnais financent plus de la moitié d’une émission qui s’appelle : » 100% Mayotte » Chercher l’erreur. Le Conseil Général, 100% mahorais comme il se doit, sponsorise à hauteur de 2%, ce qui n’est pas rien, et j’aimerais bien savoir quelle forme ils ont ces 2% ; son représentant était là, reconnaissable à son parler compassé, ses lunettes à fine monture et à sa chemise blanche hyper impeccable. Et il y avait les journalistes puisque c’était une conférence de presse. Presque que des femmes et presque toujours agréables à regarder, à croire que la profession, comme l’enseignement ou la magistrature se féminise à tour de bras, à moins qu’on ne réserve aux hommes les sujets plus musclés. Il y avait là Le Mahorais, racoleur, Les Nouvelles de Mayotte, racoleur ET sinistre, Télé Banga, eh oui ! et ses petits potins mondains, et deux ou trois revues chic et branchées. Et RFO bien sur, qui s’était déplacée pour écouter RFO. Encadré par ses sponsors, surveillé par son chef, Patrick Millan a fait son travail très correctement devant un parterre de journalistes aussi aimables que discrets. Pas une question ne fut posée. Pour demander quoi ? Un homme de télévision parle à des journalistes, juste avant qu’on ne leur offre boissons et petits fours, on est sous les tropiques, sur une île, exiguë qui plus est, on se reverra tous demain, ce soir peut-être, alors laissons la place aux mondanités de province.
Ce que je faisais là ? J’y surveillais mes vaches, accrochées là pour l'occasion, acquisitions toutes récentes de la laiterie de Mayotte, sponsor de 100% Mayotte ET du peintre Marcel, et j’attendais qu’il en fut dit un mot, par Patrick Millan ou par mon bienfaiteur, ce qu’ils ont fait, le plus gentiment du monde mais au journal de ce soir RFO n’en n’a pas fait le moindre cas, ce qui ne m’étonne pas d’eux. J’y ai aussi appris que je ne suis pas aimé du tout par un journaliste. On ne m’a pas dit qui mais je crois savoir qu’il s’agit d’une journaliste ; une grosse pointure. C’est bien ; la gloire arrive.

lundi 15 septembre 2008

Une vache verte qui courait dans l'herbe...



J’avais pourtant dit que je ne ferais plus de vaches ! Eh bien non ; il m’a fallu en faire deux autres. Je vous présente tout d’abord Pâquerettes. Ce n’est pas un nom de zébu mais toutes ces vaches m’ont ramené dans les territoires de mon enfance, là où vaches chevaux et moutons paissaient dans des champs remplis de mousserons de pissenlits et de pâquerettes. J’ai rencontré cette zébue là au rond point du baobab. Elle avait brouté rue des cent villas et descendait faire sa sieste et ruminer devant le Crédit Agricole. A force de fréquenter les beaux quartiers elle avait acquis des manières et c’est à elle que j’ai confié le soin d’incarner mes nostalgies d’enfance à la campagne.

Il était neuf heures du soir, il y a quelques jours, et je venais juste de nettoyer mes pinceaux. La journée était finie. Je tournais encore un peu dans l’atelier à la recherche du travail qui allait m’occuper le lendemain. Portrait ? paysage ? scène de vie ? démarrage ? finition ? Aucune idée ; on verrait demain. Quelques pages de lecture, Marianne ou le Canard enchaîné, et au lit. Je regardais mes vaches une dernière fois ; avec Pâquerettes ça faisait onze. C’est bizarre « onze ». Dix ça va, douze ça va aussi mais onze a quelque chose en trop ou quelque chose en moins. Je n’avais pourtant pas envie de faire une autre vache. Et c’est venu d’un seul coup ; je n’avais pas de vache verte ! Une mauve à mufle jaune, une bleue, une presque blanche, une sur fond flamboyant, une autre sur fond rose, mais je n’avais pas de vache verte et il m’apparut indispensable, quasiment vital de faire une douzième vache et que celle-ci fut verte. A dix heures le dessin était calé, à onze heures trente la première couche acrylique était posée et ma vache verte fut terminée le lendemain. Ma tâche était accomplie ; je pouvais me reposer.

Les wazungu qui passent de temps à autre à l’atelier aiment mes vaches de couleur ; la verte en particulier déclenche des « oh ! » et des « ah ! ».
Les Mahorais qui passent de temps à autre à mon atelier aiment les vaches qui ressemblent à des vaches et leur préférée est l’aristocratique zébue, ce que je trouve intéressant.
Les vaches que j’ai peintes sont des vaches d’ici ; les cornes l’attestent. Traitées normalement (sans couleurs psychédéliques), ces vaches sont perçues comme des vaches de Mayotte, zébue comprise. Beaucoup de mes visiteurs mahorais et anjouanais aiment la vache à tête vacharde mais tous préfèrent la zébue, représentante d’une race en voie de disparition par métissage. Cette zébue là était la seule de sa race sur tout le plateau de Combani. Combien en reste-t-il dans l’île ? Je l’ignore. Combien y en avait-il il y a seulement dix ans ? Sans doute beaucoup plus. Combien en restera-t-il dans dix ans ? Les Mahorais aiment donc entre toutes les vaches la représentation d’une vache qui est en train de disparaître. Curieux…
Je n’ai jusqu’à ce jour jamais trouvé que les Mahorais fussent amoureux du passé. Moi qui ai tendance à peindre ce qui va disparaître je n’ai jamais constaté d’amour particulier pour leurs vieux bangas ni pour leur souvenir. Ils ne sont pas très « musées » par ici et ce sont les Blancs qui sont obsédés par la conservation des écrits, des images, des pierres, des morceaux de poterie ou des vieux bouts de tissus. Comment donc se fait-il que mes visiteurs indigènes aiment tous ma zébue ? Est-elle mieux faite que les autres ? Je ne le pense pas. Trouve-t-ils les zébues plus belles que les montbéliardes ? Sont-ils sensibles à sa raréfaction ? Leur plaisir en d’autres termes est-il d’ordre esthétique ou sentimental ?
Il faudrait d’autres visiteurs pour en savoir plus, et un observateur impartial qui note les résultats. Un bon job pour un futur étudiant en histoire de l’art ou même simplement en sociologie.
Je répète les questions :

- Les Mahorais, dans leur grande majorité, préfèrent-ils une vache de race zébue à une vache métissée. ?

- Si la réponse est oui, qu’est-ce qu’ils lui trouvent de mieux que les autres ?

dimanche 7 septembre 2008

Ramadan


Ramadan



C’est la saison. Tout le monde se précipite pour rentrer chez soi avant 18h 30, fin officielle du jour, lorsque le muezzin ou le haut parleur qui le remplace appellent à la prière après laquelle le jeune sera rompu. Beaucoup de mahorais ont jeûné et beaucoup ont bu ou fumé en douce mais rien sur les routes de Mayotte, à 18 h ne distingue le vrai croyant du vrai faussaire. Tous conduisent comme des malades, encore plus que d’habitude, pressés qu’ils sont de rentrer chez eux où les attend le dîner, meilleur qu’à l’ordinaire, préparé par l’épouse restée à la maison. Et si l’épouse travaille ? La mère ou la sœur ou la cousine ou l’anjouanaise auront préparé le dîner festif composé de toutes sortes de choses, riz, manioc, fruit à pain, viande, poisson, volaille, samossas ; rien à voir avec le dîner habituel composé d’un plat de viande ou de poisson accompagné de riz. Les rues de Mamoudzou, congestionnées à cette heure là, sont presque vides et les seules voitures qu’on y croise sont conduites par des wazungu, lesquels, comme chacun sait, ne font pas le ramadan.
Il y a quinze ans j’habitais à Bandraboua, un village du nord de l’île et j’ai fait le ramadan. Pendant six jours très exactement. Six jours qui ne compteront pour rien dans mon salut puisque, s’il faut en croire une autorité locale consultée à l’époque, si on ne fait pas tout c’est comme si on faisait rien. Même si on fait tout et qu’on ne fait pas UN jour, c’est comme si on n’avait rien fait. Allah est comme ça parait-il. Miséricordieux mais intransigeant sur le ramadan. Tant pis pour moi.
L’expérience n’aura cependant pas été complètement inutile. Je n’aurai pas fumé pendant six jours, ce qui est déjà ça de pris. Six demi-journées pour être précis puisque dès la tombée du jour j’avais le droit d’en griller autant que je voulais. Ne pas manger était facile. Je me passai même du café du matin et le soir, à la rupture du jeûne, je n’avais pas grand faim. Ne pas boire était plus difficile mais j’évitai de courir, de marcher en plein soleil, de transpirer et c’était supportable. Ne pas fumer était éprouvant. Au point que je suis aujourd’hui persuadé que les fumeurs qui font ramadan se divisent en deux catégories ; ceux qui sont très très forts et ceux qui fument en cachette. J’ai fait le ramadan parce que j’avais envie d’être comme tout le monde dans le village, et j’ai arrêté au bout de six jours parce que je ne voyais plus l’intérêt de faire semblant d’être comme tout le monde. Je ne choquai personne, tout un chacun dans le village s’attendant à quelque chose comme ça puisque, la chose est connue, les wazungu ne sont pas capables de souffrir autant que les vrais croyants, lesquels disposent, avec l’appui du Miséricordieux, de toute la force du monde pour endurer sans se plaindre les privations et la fatigue imposées par leur foi. Sans se plaindre certes, mais pas sans le dire. Le ramadan se fait ET se raconte. « U fungu léo ? » On commence par poser la question ; « tu fais le ramadan aujourd’hui ? » Si vous êtes mzungu et que vous répondiez oui personne ne vous croit. Si vous répondez non on vous demandera alors pourquoi. Toutes les réponses sont alors possibles mais aucune ne les fera rire. Peu d'humour pendant cette période. On a faim, on a soif, on est fatigué, très fatigué, on a mal à la tête, on peut pas regarder les filles, ni les garçons cela va de soi, bref il faut drôlement aimer son Créateur pour endurer pour lui des tourments pareils. Le ramadan c’est la souffrance, la souffrance c’est pas drôle et il faut que ça se sache.
J’ai avec le divin des rapports très simples. Je crois que je crois en Dieu. J’ignore bien sur s’il existe et j’ignore aussi s’il n’existe pas. Ce que je n’ignore pas par contre c’est qu’il existe plus fort que moi. L’Homme ne possède pas la télécommande. Dieu, qui peut tout qui voit tout qui sait tout ne se situe pas dans ce « plus fort que moi » ; ce « plus fort que moi » n’est pas Dieu mais un espace, dans lequel je suis, qui mène à Dieu. Inch’Allah bien évidemment. Dieu ne se laissant ni appréhender ni percevoir on devrait je pense, un peu comme le font les Chinois, se contenter de chercher à nous comprendre nous mêmes et ainsi comprendre les lois qui régissent l’univers, puis de rechercher l’harmonie, c'est-à-dire notre intégration la plus parfaite possible, quasiment « nirvanesque » dans cet univers. Le travail du religieux devrait être de permettre à l’Homme d’accéder à ce qui permet d’accéder à Dieu. Ce qui serait déjà pas mal. Après, si Dieu veut intervenir, ma foi, c’est son affaire. Pas la nôtre. Dieu existait avant l’Islam, le Christianisme, le Judaïsme et toutes les religions du monde, et il existera après toutes ces constructions. On a le droit de parler de Dieu à la condition de savoir qu’on parle ainsi sans savoir. L'humilité est sans doute la toute première manifestation de la foi.
Nos religions en sont loin, mais à la réflexion c’est tout à fait normal puisque ce sont des constructions humaines et, tout comme les humains, il faut qu’elles bavardent. « Au commencement était le Verbe » disent nos Écritures, et à les entendre on pourrait croire que Dieu est le Verbe. Dieu est bien plus que ça. Le Verbe n’a pas fait naître Dieu, mais l’Homme. Les religions sont venues après parce qu’adorer ne suffit pas ; il faut aussi, et surtout apaiser. Surtout lorsqu'on vit en société. Religieux et politique, même combat. L’unicité même de Dieu est pour moi du verbiage. Si Dieu existe Il fait ce qu’Il veut, cela va sans dire. Et s’il Lui plait d’être perçu comme unique Il sera perçu comme unique et s’Il lui plait d’être perçu comme multiple Il sera perçu comme multiple et ça sert à quoi de discuter ?


Ramadan donc. Et que Dieu nous garde.