mercredi 5 septembre 2012

Rentrée





ra hachiri* ou charivari ?

Cette année nous aurons été gâtés. D’abord les vacances d’été, puis le Ramadan. Vacances d’été ça veut dire beaucoup de gens partis, à commencer par les profs, ce qui fait déjà pas mal de bruit et de monde en moins, sur les routes par exemple, et personne ne s’en plaint. La retenue que le Ramadan impose de facto à la conduite de chacun aura elle aussi été la bienvenue. Vacances plus Ramadan auront ainsi redonné à Mayotte une partie de ses caractéristiques d’antan. Les vieux de la vieille, dont je commence à faire partie, se sont crus, pendant quelques semaines, revenus à l’époque pas si lointaine où on pouvait prendre son temps sur tout, où on pouvait circuler en ville sans qu’on vous fit de gestes obscènes et sans être tentés d’en faire, où on pouvait se garer n’importe comment sans emmerder quiconque, où les vendeuses du bazari, aussi pingres hier qu’aujourd’hui prenaient au moins la peine d’être aimables, voire même, mais plus rarement, souriantes, où on pouvait s’attarder, discuter à loisir, bref on était ramené au temps béni du temps d’avant. Souvenirs souvenirs…

Le Ramadan s’est terminé, les vacances aussi, les profs et les bouchons sont revenus et Mayotte a repris bruyamment contact avec la vraie vie, laquelle s’articule grosso modo autour de deux grands axes, à savoir ses voisins, dont elle veut beaucoup moins et les sous, dont elle veut davantage. Pour les métros fraîchement arrivés les voisins sont ces gens qui viennent des trois autres Comores et c’est d’eux que l’on parlera chaque fois que vous entendrez l’expression « visa Balladur », lequel visa a eu pour premier but de rendre plus difficile la circulation entre Mayotte et ses voisines. Une réussite ; 7 000 morts (à la louche) depuis l’instauration du visa. Et pas un immigrant de moins ; ça c’est une mesure qu’elle est efficace. Problème insoluble, sauf à bombarder les plages d’embarquement ou à mitrailler les kwassas ; Paris le sait depuis longtemps. Alors on tergiverse et de temps à autre on envoie un quarteron de sénateurs qui constatent en soupirant que le visa n’est effectivement pas très utile et que tout ça c’est bien triste et qu’il est devenu impératif et urgent, oui : impératif et urgent de faire quelque chose, ce à quoi, n’en doutez pas une seconde, ils vont s’atteler et abondamment réfléchir une fois rentrés à Paris, promis juré craché par terre. On propose alors de supprimer le visa Balladur, ce qui va occuper les leaderesses de la vie mahoraise et apaiser (peut-être) les indignés pendant une semaine ou deux. Dans l’intervalle les petits meurtres entre amis au Conseil Général disputeront à la vie chère et aux grèves la manchette des gazettes pleurnichardes et la vie continuera comme avant. Et après avoir beaucoup causé de son assouplissement le visa Balladur, maintenu actif, sera vraisemblablement renforcé lorsqu’il sera opportun de faire une gâterie pas chère à un électorat volatil.
L’idéal bien sur serait que les voisins ne viennent plus, soit qu’on les en dissuade soit qu’ils n’y aient plus intérêt. La première hypothèse consisterait à obtenir du gouvernement comorien que sa police fasse obstacle aux départs de kwassas, ce qui est une excellente idée, encore que l’on voie mal pourquoi le gouvernement des Comores voudrait faire plaisir à Mayotte en prenant une décision forcément impopulaire et, du point de vue comorien, parfaitement illégitime. La seconde hypothèse se réaliserait d’elle-même si les Comores étaient plus riches que Mayotte, idée qui fait rire tout le monde, ou si Mayotte était plus pauvre que les Comores, idée qui n’amuse personne. Et pourtant…Il va venir d’où l’argent dont Mayotte a depuis toujours besoin ? Et surtout y en aura-t-il davantage ? Ouiiiiiii ! trépignent les départementalistes obsessionnels. Et ce qui ne vient pas de la France viendra de l’Europe! C’est prévu. Depuis le début. C’est même pour ça qu’on a tant insisté pour que Mayotte soit non seulement française mais aussi département. La France, l’Europe vont nous subventionner, c’est écrit partout dans les textes. Il y a seulement dix ans il était impossible d’envisager que la métropole n’honore pas la dette morale qu’elle avait contractée en gardant Mayotte sous tutelle. Douter de la bonne volonté de la République et de sa solvabilité vous faisait passer au mieux pour un abruti complet au pire pour un ennemi de Mayotte. Comment peut-on aujourd’hui croire et faire croire qu’il y aura plus d’argent à Mayotte alors qu’il y en a de moins en moins ailleurs et que rien n’indique une amélioration ? Si la France faillit, si l’Europe se recentre sur les plus forts, laissant les plus faibles à la porte, ou si elle implose, ce qui est envisageable il est où le plan B pour Mayotte ? Quel politicien s’en fera le héraut ?

*  « ra hachiri » soyons vigilants, slogan politique devenu la devise de Mayotte


Billet paru dans Upanga de septembre


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