samedi 19 juillet 2008

Décidément je supporte très mal aujourd'hui qu'on me parle de Mayotte pendant trop longtemps. "Accablement" est le mot qui convient. A côté d'une kyrielle de névroses il y a les névroses d'angoisse, je sais ce qu'est l'angoisse. Il y a les névroses obsessionnelles; je sais ce que c'est que d'être obsédé. Au moins de temps en temps. Et dans mon cas, lorsqu'on me parle de Mayotte aujourd'hui il se produit une névrose d'accablement. C'est très net. Envie de me coucher, de tout éteindre, de tout fermer, de ne plus rien dire et de ne plus rien entendre, même de loin, de chercher à dormir, et de ne plus bouger, surtout de ne plus bouger. Aujourd'hui, quand on me parle de Mayotte pendant trop longtemps, il arrive toujours un moment où j'ai envie de dormir.

Il n'y a pas que Mayotte qui m'accable. Les trois autres Comores aussi, pour lesquelles rien ne va, après que rien ne fût jamais allé. Je suis également très souvent accablé lorsque je lis le Monde Diplomatique pour lequel rien ne va et ce n'est pas demain que ça va s'arranger. M'accable aussi ce qui est très méchant (on en voit fort peu) ou ce qui est très bête (plus courant).M'accablent enfin toutes les mesures que les Puissants prennent pour ma sécurité. Voilà donc bien ses sources d'accablement mais toutes ne se manifestent pas de la même manière.
Le Monde diplomatique m'accable mais son inluence s'arrête à ce qui est en train de cuire au moment où je le lis. Si le dîner est prêt je cesse alors de penser au Darfour ou au Béloutchistan.
Les trois autres Comores m'accablent mais pas au point de ne plus vouloir bouger.
Avec Mayotte je suis VRAIMENT accablé. Ce que je lis et entend sur Mayotte en ce moment se partage en deux; les propos qui me donnent envie de dormir sans beaucoup bouger, et ceux qui me donnent envie de hurler avant de m'accabler de toutes façons. La Creuse ne me fait pas le même effet.

Pourtant les sujets de se réjouir ne manquent pas. Les enjeux majeurs de la départementalisation qui s'approche, les vastes possibilités offertes par y-celle, la manne qui ne peut manquer de tomber, par Canadairs complets, sur tous ces fronts levés et ces regards radieux! c'est écrit! tous les juristes vous le diront. Et les journalistes le confirmeront puisque "Le Mahorais" titrait cette semaine:"Rien sans le département!" Bref l'avenir est au beau fixe et je suis accablé.
Ce ne fut pas toujours ainsi, et la saison n'est pas propice. Deux circonstances agravantes.

Ce ne fut pas toujours ainsi parce qu'il y a quinze ans que je réside à Mayotte et il y a quinze ans, si on entendait parler d'une départementalisation vaguement probable, rien n'était imminent. On savait qu'il arriverait un jour où la question serait posée de savoir si Mayotte serait un département comme tous les autres départements de France, comme la Creuse par exemple, ou les Hauts de Seine, mais on ne connaissait pas les termes de la question (on ne les connait d'ailleurs toujours pas), et on ne savait pas quand la question serait posée. C'est pour 2009, 2010 au plus tard. Donc pour demain. Nous ne sommes plus il y a quinze ans.

La saison n'est pas propice non plus puisque le 14 juillet c'était hier et qu'à la suite de tous ces cortèges et toutes ces parades, dans la vague des rituels et la mouvance des discours se sont manifestés tous ces élans patriotiques et ces serments de fidélité à une magnanime et nourrissante République, tous signes d'allégeance auxquels je ne crois ni peu ni prou.

Et ça, ça m'accable parce que si je vis dans un département c'est comme si je vivais en France, et je n'ai pas envie de vivre en France. Pour trois raisons principales. La première c'est que j'aime habiter dans des endroits où il fait chaud tout le temps. Sont donc exclus le Jura, les Ardennes, la Creuse et 99 % de la surface de l'hexagone. Je veux aussi être entouré de peaux noires. Ne sont pas considérées comme peaux noires celles qui sont couvertes par un anorak et un passe-montagne. Et enfin j'aime bien habiter un endroit où c'est un peu le bazar, où tout n'est pas codifié et complexe à faire le bonheur des juristes, où je peux faire réparer ma voiture par un mécanicien qui bricole, où les rues ne sont peut-être pas rigoureusement propres mais où les enfants y jouent, où l'on trouve encore des camarons(grosses crevettes d'eau douce) dans des rivières ou ruisselets où les femmes font aussi leur lessive, etc etc.

Mais voilà, on nous dit que Mayotte sera très bientôt un département, puisque sa population l'exige, et ce que peuple veut, n'est-ce pas, c'est un peu comme ce que femme veut, c'est Dieu qui le veut et qui sommes-nous pour discuter; et s'il faut en croire les gens qui m'entourent et ceux qui écrivent dans les journaux, c'est dans l'ordre des choses, c'est le progrès,c'est la vie, on n'y peut rien et c'est comme ça.

C'est pas accablant ça??


Après la toile blanche voici le début du dessin. Il s'agit d'une copie en noir et blanc d'un tableau déjà effectué. On commence naturellement par les parties les plus sombres. Histoire à suivre


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pourquoi "voulez vous être entouré de gens à la peau noire"?
Pourquoi pas?, me répondrez vous.
Mais c'est une vraie question.
MA (la poseuse d'énigme)