lundi 15 septembre 2008

Une vache verte qui courait dans l'herbe...



J’avais pourtant dit que je ne ferais plus de vaches ! Eh bien non ; il m’a fallu en faire deux autres. Je vous présente tout d’abord Pâquerettes. Ce n’est pas un nom de zébu mais toutes ces vaches m’ont ramené dans les territoires de mon enfance, là où vaches chevaux et moutons paissaient dans des champs remplis de mousserons de pissenlits et de pâquerettes. J’ai rencontré cette zébue là au rond point du baobab. Elle avait brouté rue des cent villas et descendait faire sa sieste et ruminer devant le Crédit Agricole. A force de fréquenter les beaux quartiers elle avait acquis des manières et c’est à elle que j’ai confié le soin d’incarner mes nostalgies d’enfance à la campagne.

Il était neuf heures du soir, il y a quelques jours, et je venais juste de nettoyer mes pinceaux. La journée était finie. Je tournais encore un peu dans l’atelier à la recherche du travail qui allait m’occuper le lendemain. Portrait ? paysage ? scène de vie ? démarrage ? finition ? Aucune idée ; on verrait demain. Quelques pages de lecture, Marianne ou le Canard enchaîné, et au lit. Je regardais mes vaches une dernière fois ; avec Pâquerettes ça faisait onze. C’est bizarre « onze ». Dix ça va, douze ça va aussi mais onze a quelque chose en trop ou quelque chose en moins. Je n’avais pourtant pas envie de faire une autre vache. Et c’est venu d’un seul coup ; je n’avais pas de vache verte ! Une mauve à mufle jaune, une bleue, une presque blanche, une sur fond flamboyant, une autre sur fond rose, mais je n’avais pas de vache verte et il m’apparut indispensable, quasiment vital de faire une douzième vache et que celle-ci fut verte. A dix heures le dessin était calé, à onze heures trente la première couche acrylique était posée et ma vache verte fut terminée le lendemain. Ma tâche était accomplie ; je pouvais me reposer.

Les wazungu qui passent de temps à autre à l’atelier aiment mes vaches de couleur ; la verte en particulier déclenche des « oh ! » et des « ah ! ».
Les Mahorais qui passent de temps à autre à mon atelier aiment les vaches qui ressemblent à des vaches et leur préférée est l’aristocratique zébue, ce que je trouve intéressant.
Les vaches que j’ai peintes sont des vaches d’ici ; les cornes l’attestent. Traitées normalement (sans couleurs psychédéliques), ces vaches sont perçues comme des vaches de Mayotte, zébue comprise. Beaucoup de mes visiteurs mahorais et anjouanais aiment la vache à tête vacharde mais tous préfèrent la zébue, représentante d’une race en voie de disparition par métissage. Cette zébue là était la seule de sa race sur tout le plateau de Combani. Combien en reste-t-il dans l’île ? Je l’ignore. Combien y en avait-il il y a seulement dix ans ? Sans doute beaucoup plus. Combien en restera-t-il dans dix ans ? Les Mahorais aiment donc entre toutes les vaches la représentation d’une vache qui est en train de disparaître. Curieux…
Je n’ai jusqu’à ce jour jamais trouvé que les Mahorais fussent amoureux du passé. Moi qui ai tendance à peindre ce qui va disparaître je n’ai jamais constaté d’amour particulier pour leurs vieux bangas ni pour leur souvenir. Ils ne sont pas très « musées » par ici et ce sont les Blancs qui sont obsédés par la conservation des écrits, des images, des pierres, des morceaux de poterie ou des vieux bouts de tissus. Comment donc se fait-il que mes visiteurs indigènes aiment tous ma zébue ? Est-elle mieux faite que les autres ? Je ne le pense pas. Trouve-t-ils les zébues plus belles que les montbéliardes ? Sont-ils sensibles à sa raréfaction ? Leur plaisir en d’autres termes est-il d’ordre esthétique ou sentimental ?
Il faudrait d’autres visiteurs pour en savoir plus, et un observateur impartial qui note les résultats. Un bon job pour un futur étudiant en histoire de l’art ou même simplement en sociologie.
Je répète les questions :

- Les Mahorais, dans leur grande majorité, préfèrent-ils une vache de race zébue à une vache métissée. ?

- Si la réponse est oui, qu’est-ce qu’ils lui trouvent de mieux que les autres ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vachement belles!